Appels à contribution – Revue Minoritart n°3 : L’artiste noir, une figure violentée par la colonialité du savoir

Appels à contribution – Revue Minoritart n°3 : L’artiste noir, une figure violentée par la colonialité du savoir

Présentation du groupe de recherche : Minoritart

Convocatoria Minoritart n°3

 

Le groupe de recherche Minoritart est conduit par l’artiste doctorant en Études et Pratiquesdes Arts Eddy Firmin. La communication, les pôles de rédaction sont dirigés par l’artiste Géraldine Entiope et la bachelor en Politiques et Arts Sarah Tchou. Le pôle lecture, correction, traduction est assuré par l’artiste commissaire Cecil Brackmort, la traductrice diplômée de l’UQAC Karla Cynthia Garcia Martínez, la diplômée en études inter-disciplinaires de l’université de la Havane, Mildred Cabrejas Quintana et le diplômé en histoire contemporaine de l’université de Reims-Champagne- Ardenne, Jérôme Louis.Ensemble, nous formons le comité de lecture et de rédaction de l’espace Arts du Réseau d’Études Décoloniales.

Contexte et diffusion des textes : Revue Minoritart n°3

L’espace francophone s’est récemment ouvert à la pensée décoloniale. La revue CAL 62 ou plus récemment l’ouvrage, Penser l’envers obscur de la modernité (2014), sous la direction de Claude Bourguignon Rougier, Philippe Colin et Ramòn Grosfoguel participent d’une révolution de la pensée qui aujourd’hui connecte les continents. Depuis trois ans, l’équipe inter universitaire du Réseau d’Études Décoloniales diffuse une part de ses recherches sur son site (https://reseaudecolonial.org/). Au cours de l’année écoulée, les numéros 1 et 2 de la revue Minoritart ont été consultés plus de 10 000 fois, confirmant ainsi un intérêt certain des lecteurs et chercheurs pour les postures décoloniales en art. Poussant plus avant ses questionnements sur la décolonisation des arts, notre groupe ouvre désormais ses appels à textes à tous les champs artistiques.

Qu’est-ce que la pensée décoloniale ?

Au tournant du XXIe siècle émerge un nouveau champ de recherche, les études décoloniales. Ces dernières interrogent, entre autres choses, le fait que les savoirs propres à l’Europe puis à l’Occident se sont constitués en un modèle « universel » et supposé valide pour tous. Désignée sous le terme de « colonialité des savoirs », cette posture dominante invalide ou rejette les savoirs formés par les peuples colonisés (pensée magique, sensible, non rationnelle, simpliste etc., sont l’enjeu de cette subalternisation).  Ainsi, les structures scolaires et universitaires n’ont permis un accès aux connaissances que depuis des paradigmes définis par l’Occident. Dans un même temps, elles ont été des vecteurs de normalisation empêchant les individus (intellectuels, artistes, société civile) de se penser en dehors de cette matrice. Pour citer Anįbal Quijano (1992), cette ambition d’atteindre la validité universelle, « établit avec les autres cultures des relations qui paralysent tout développement réel ».En lieu et place d’un stérile affrontement des philosophies et des savoirs, les études décoloniales concentrent leurs efforts sur un enrichissement mutuel. Le projet est de rééquilibrer les rapports savoirs/pouvoirs pour l’invention d’une alter-modernité, c’est-à-dire d’une modernité « pluriverselle » où les savoirs (savoir-faire, savoir-être, pensées, être au monde, …) des peuples colonisés participeraient activement aux transformations politiques, sociales et culturelles du monde globalisé de demain.

L’appel à contribution :
L’artiste noir, une figure violentée de la colonialité du savoir

Contexte général :

Pour ce volet de la réflexion, Minoritart se penche sur la figure de l’artiste noir, comme figure archétypale de la violence de la colonialité du savoir. 1 Les corollaires de cette brutalité sont les disciplines artistiques et l’histoire de l’art telles qu’enseignées par les espaces académiques à travers le monde. En effet, par ce biais, la conception occidentale de l’art et sa figure de l’artiste se sont imposées en modèle hégémonique. Pensée pour traverser les siècles, cette structure académique diffuse dans un même élan le contenu racialiste et sexiste qui s’y est sédimenté. La représentation visuelle (notamment dans la peinture) et discursive du corps noir capitalise une incalculable somme de violences symboliques. Parallèlement, ces artistes noirs, hors des espaces d’expression qui         leur sont historiquement alloués  (danse et musique aux racines “afro”)    brillent par leur sous-représentation. Face à ces violences et au manque de dialogue à ce sujet, ceux-ci ont rapidement pris leur devenir en main. Il est notable de remarquer que depuis les Congrès des Écrivains Noirs, qui se sont respectivement tenus à l’Université Paris Sorbonne en 1956 et à l’Université McGill de Montréal en 1968, la tâche de groupements de défense d’artistes tels que DAM (Diversité Artistique Montréal) ou celle de notre groupe de recherche reste tout aussi difficile. Le silence des critiques, esthéticiens et historiens de l’art bat encore la mesure face à un petit parterre d’intellectuels non-noirs engagés. Aux rangs de ceux-ci, on compte Éric Michaud, Nathalie Bondil, Janie Cohen ou encore Lionel Richard. Cependant, force est de constater que beaucoup d’efforts restent à déployer contre les flammes dévorantes du mutisme. Dès la fin des années 1960, l’un des précurseurs du développemet durable Ignacy Sachs, troublé par le silence et le conservatisme des historiens de l’art, porte une critique toujours actuelle au XXIème siècle

À mesure que progressent la colonisation et la traite d’esclaves, l’image du nègre s’avilit et se charge de préjugé racial. La tradition toujours vive du nègre symbole de ténèbres est ravivée et certains stéréotypes sur l’affectivité et la sexualité des nègres par opposition à la cérébralité des Européens commencent une longue et tenace carrière dont nous ne voyons pas encore la fin. (Sachs, 1969, p.891)

Un demi-siècle plus-tard, les mêmes causes produisent les mêmes effets. On se rappellera les œuvres des artistes Bjarne Melgaard, Yu Huiping, Ti-rock Moore, ou encore de Brett Bailey qui ont secoué le monde de l’art par leur contenu trouble quand à la symbolique du corps noir. De même, on se rappellera encore que les artistes visuels contemporains noirs et tout particulièrement africains sont des données récentes du paysage de l’histoire de l’art. Malgré les récentes politiques de  discrimination positive, on notera encore que Jean-Michel Basquiat, la première grande figure afro-descendante intronisée de son vivant par le système de l’art contemporain date des années 1980 ; que la révolution Africa-Remix consacrant le praticien africain, est de 2005 ; que la désignation de la première afro- descendante danseuse étoile (Misty Copeland) dans un grand ballet classique américain est de 2015.

Problématique :

Par la voix de ces acteurs, les différents champs de l’art actuel s’auto-promeuvent comme des espaces basés sur le dialogue, les échanges interculturels et le respect des différences. Mais ce dialogue ne saurait s’établir sur un oubli des violences ou sur leur mépris.
Comme l’indique ce contexte, cet évitement du dialogue contribue à reconduire des imaginaires iniques dans les inconscients. Historiquement, les avancées sociales portées par la cause noire établissent des modèles d’actions politiques qui ont des répercussions sur les autres groupes minoritaires (mouvements féministe, LGBTQ+ etc…). Ainsi, si l’on convient que le corps noir est le symbole frontispice derrière lequel se rangent tous les autres corps subalternisés, ce dialogue sur le contenu de la figure de l’artiste noir comme figure violentée par la colonialité du savoir représente un enjeu crucial. Parce que de cette issue dépend la refonte d’un imaginaire nouveau sur la question de toutes les violences systémique dans l’art. Il est urgent de ne point détourner le regard de cette difficulté car pour paraphraser Thierry Hentch (2005), l’Occident en se racontant laisse des bornes et « des points de repère » à travers les générations de toutes les civilisations ; car son histoire hégémonique, « bien qu’inachevée, n’en trace pas moins sûrement l’avenir du monde » (Hentch, 2005, p.17).
En conséquence, il ne s’agit pas de verser dans l’extrême de la naïveté consistant à penser que la couleur de peau ou le genre n’est en rien un obstacle, ou dans la prostration victimaire affirmant que tout est obstacle. En effet, si bien du chemin a été parcouru, comme le rappelle l’approche subversive de l’artiste visuelle, Jeannette Ehlers, ou l’engagement décalé et humoristique des comédiens Lucien Jean-Baptiste et Trevor Noah, les minces avancées ne sauraient se satisfaire des quelques oripeaux gagnés. Ainsi, quatre questions se posent aux artistes, artistes-chercheurs, critiques
et historiens d’art :

  • Dans votre formation, quel enseignement avez-vous reçu concernant cette violence faite
    au corps noir dans l’art ?
  • Quels sont les constats et comment dépasser violences, lamentations et sentiments de
    culpabilité ?
  • Depuis votre expérience, où se situe la limite entre violence et délire de persécution ?
    Cette question peut-elle être posée ainsi ?
  • Avec la visibilité de grands artistes noirs tels que Cheri Samba, Barthélémy Toguo ou
    encore la récente mise en lumière de Manuel Mathieu, Moridja Kitenge Banza ou Eddy
    Firmin dit Ano exposés au Musée des Beaux-Arts de Montréal, pensez-vous que ces
    derniers sont un écran de fumée cachant la non-représentation d’artistes noirs ou sont-ils
    le gage d’un changement durable ?

 

Vos textes

 

Vos propositions, comportant entre 3 000 et 5 000 mots maximum, devront nous parvenir au plus tard le 10 Janvier 2019.
Il vous est fortement conseillé d’accompagner les textes d’images et/ou d’hyperliens vidéo. Ces éléments seront des données pertinentes lors de la sélection des textes.
Les articles sélectionnés seront publiés dans la revue en format pdf. Cette dernière sera disponible au téléchargement en version pdf. à l’adresse :
https://reseaudecolonial.org/.
Merci d’adresser avec vos contributions, un brève note biographique (150 mots), à :

1.Le terme colonialité (et non colonialisme), désigne un type de pouvoir et de domination invisible. Tout comme les structures interculturelles, sociales, familiales se transforment et mutent sans cesse à travers le temps. Le colonialisme a fait de même. Comme les structures interculturelles, sociales, familiales, le colonialisme se transforme et mute sans cesse à travers le temps   Il a délaissé ses anciennes formes par trop visibles pour s’adapter à son nouvel environnement globalisé. Cette nouvelle forme s’est  enfoncée plus profondément dans la matrice du réel. En manière de
symbiote, la colonialité s’est greffée au savoir sensible et intelligible de son hôte. La globalisation n’a donc pas entraîné la fin du colonialisme (économique, culturel, etc,)

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