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Catégorie : Actualités

Appel à contribution. Pratiques visuelles décoloniales, numéro 2 : colonialité esthétique et art contemporain

Tony Capellan, 1996, Mer des Caraïbes, détails de l’installation ( fil barbelé, sandales de plage)

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Présentation du groupe de recherche : Minoritart

Le groupe de recherche Minoritart est animé par l’artiste et doctorant en Études et Pratiques des Arts Eddy Firmin, par Catherine Cosaque, qui étudie les pratiques touristiques en contexte postcolonial, par l’artiste et docteur en Études et Pratiques des Arts Fred Laforge et par la commissaire Cecilia Brackmort. La traduction des textes (anglais) est effectuée par la bachelor en Science Politique et Histoire de l’art, Sarah Tchou. Enfin le pôle communication est conduit par Géraldine Entiope. Ensemble, ils forment le comité de lecture et de rédaction de l’espace arts du Réseau d’Études Décoloniales.

Contexte et diffusion des textes : Pratiques visuelles décoloniales n°2

L’espace francophone s’est récemment ouvert à la pensée décoloniale. La revue CAL 621 ou plus récemment l’ouvrage, « Penser l’envers obscur de la modernité » (2014)2, sous la direction de Claude Bourguignon Rougier, Philipe Colin et Ramón Grosfoguel participent d’une révolution de la pensée qui aujourd’hui connecte les continents. Depuis deux ans, l’équipe inter-universitaire du Réseau d’Études Décoloniales diffuse une part de ses recherches sur son site (https://reseaudecolonial.org/). C’est dans ce cadre que s’ouvre l’appel à contribution pour le numéro 2 de la revue en ligne, Pratiques visuelles décoloniales. Dédiée aux pratiques artistiques décoloniales, cette jeune revue s’est trouvé un allié de poids, Diversité Artistique Montréal (Dam), qui prendra également part au rayonnement de vos contributions. Enfin, l’ensemble des textes du premier numéro a été consulté plus d’un millier de fois en deux semaines. La revue est donc devenue rapidement un espace de visibilité important de la recherche artistique actuelle.

 

Qu’est-ce que la pensée décoloniale ?

 

Au tournant du XXIème siècle émerge un nouveau champ de recherche, les études décoloniales. Ces dernières interrogent, entre autres, le fait que les savoirs propres à l’Europe et à l’Occident se sont constitués en un modèle « universel » et supposé valide pour tous. Désignée sous le terme de « colonialité des savoirs », cette posture dominante invalide ou rejette les savoirs formés par les peuples colonisés (pensée magique, sensible, non rationnelle, simpliste etc., font le jeu de cette subalternisation). Ainsi, les structures scolaires et universitaires n’ont permis un accès aux connaissances qu’à travers des paradigmes définis par l’Occident. Dans un même temps, elles ont été des vecteurs de normalisation empêchant les individus (intellectuels, artistes, société civile) de se penser en dehors de cette matrice. Pour citer Aníbal Quijano (1992), cette ambition d’atteindre la validité universelle, « établit avec les autres cultures des relations qui paralysent tout développement réel3 ».

En lieu et place d’un stérile affrontement des philosophies et des savoirs, les études décoloniales concentrent leurs efforts sur un enrichissement mutuel. Le projet est de rééquilibrer les rapports savoirs/pouvoirs pour l’invention d’une alter-modernité, c’est- à-dire d’une modernité « pluriverselle » où les savoirs (savoir-faire, savoir-être, pensées, être au monde, …) des peuples colonisés participeraient activement aux transformations politiques, sociales et culturelles du monde globalisé de demain.

 

Pratiques visuelles décoloniales n°2 : Colonialité esthétique et art contemporain

Contexte général :

Le terme colonialité (et non colonialisme), désigne un type de pouvoir et de domination invisible. Tout comme les structures interculturelles, sociales, familiales se transforment et mutent sans cesse à travers le temps, le colonialisme a fait de même. Il a délaissé ses anciennes formes par trop visibles, pour s’adapter à son nouvel environnement globalisé. Cette nouvelle forme s’est enfoncée plus profondément dans la matrice du réel. En manière de symbiote, la colonialité s’est greffée au savoir sensible et intelligible de son hôte. La globalisation, n’a donc pas entraîné la fin du colonialisme (économique, culturel, etc,) mais sa mutation.

L’un des signes de colonialité est l’appropriation. Cette dernière se distingue des échanges immémoriaux entre cultures humaines par le fait qu’elle consomme et évide les esthétiques des cultures fragilisées sans entretenir de dialogue avec celles-ci. De ce point de vue l’appropriation peut-être approchée comme un héritage de la pensée universalisante et de sa volonté d’assimilation. Elle touche au désir d’assimiler l’autre, de l’avaler, de le faire sien, mais selon ses propres codes et valeurs. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’échanges mais de subalternisation par une forme de consumérisme effrénée.

Problématique des arts :

En arts, la limite est floue entre échange et appropriation. De ce fait, l’art peut aussi être perçu comme un espace validant subalternisation et appropriations. Bien que ceux-ci soient farouchement niés par nombre d’acteurs de l’art actuel, la critique Michelle Baj-Strobel4 rappelle de manière abrupte : « Inutile de tergiverser… Pour être considérée comme telle [une pratique d’art contemporain], une œuvre doit s’inscrire dans une analyse formelle et conceptuelle dont les développements sont définis par la critique occidentale et doit totalement s’inscrire dans la logique de ces expressions ». (Baj-Strobel, 1999). S’il est admis que depuis l’après seconde guerre mondiale l’Occident s’est graduellement éveillé à son ethnocentrisme avec l’avènement de l’art contemporain, il semble que plus d’un demi-siècle plus tard les vielles habitudes ont la vie dure. Le non- Occidental est encore tacitement sommé de faciliter “l’échange” depuis des valeurs “maîtres”. À bien des égards cela résonne alors comme une mise à disposition d’esthétiques avec un même substrat subalternisant.

 

Ainsi, trois questions se posent aux artistes, artistes-chercheurs et historiens d’art :

  • L’art contemporain, et plus particulièrement l’art actuel, peut-il être exempt de  colonialité ?

  • Au regard du phénomène de colonialité esthétique, comment approchez-vous la question de l’appropriation ?

  • Quelle difficulté il y a-t-il à se penser hors de l’univers de concepts propre à l’esthétique occidentale (en tant que discipline philosophique et/ou ses expressions formelles) ?

 

Vos textes et vous.

Vos propositions comportant entre 900 et 1500 mots, devront nous parvenir au plus tard le 10 juin 2018.

Il vous est fortement conseillé d’accompagner les textes d’images et/ou d’hyperliens vidéo. Ces éléments seront des données pertinentes lors de la sélection des textes. L’appel s’adresse aux artistes, artistes-chercheurs, historiens et critiques d’art. Vos réponses s’effectuent au regard des questions qui vous siéent. Les articles seront publiés sur le site web du réseau des études décoloniales (francophone) à l’adresse : https://reseaudecolonial.org/. et relayé par le site de Dam

 

Merci d’adresser avec vos contributions, un bref CV (une demi-page maximum), à :

  • Eddy Firmin ()

  • ou Catherine Cosaque ().


Télécharger l’appel ici



1 Revue Cahier des Amériques Latines (2010), numéro 62, édition HIEAL

2Bourguignon Rougier & al., (2014) Penser l’envers obscur de la modernité, une anthropologie de la pensée décoloniale latino-américaine, éditions Pulim

3 Quijano, A. (1992). Réflexions sur l’interdisciplinarité, le développement et les relations interculturelles Entre savoirs. Interdisciplinarité en acte: Enjeux, obstacles, résultats, Paris, Éditions UNESCO-ERES.

4 Baj-Strobel, M. (1999). « Arts africains  : Perspectives critiques ». In. Art et critique, dialogue avec la Caraïbe, D. Berthet (Dir.) Paris, L’Harmattan.