KOUMBITE ÑU DEM / L’INDEPENDANCE AU BOUT DES CHEVEUX
CONTRIBUTION AU DEBAT PRESIDENTIEL
L’INDEPENDANCE AU BOUT DES CHEVEUX
POUR UN SENEGAL ET UNE AFRIQUE VRAIMENT LIBRES ET INDEPENDANTS
Semaine de désaliénation culturelle, politique, sociale et raciale…
Respirons notre propre air même s’il est contaminé…
Perruques, coiffes, rajouts, crânes rasés la plupart du temps pour les hommes, white cream, crème à base de carotte, teint uniforme, teint éclaircissant, teint harmonieux, à longueur de novelas on voit ces femmes sénégalaises tellement blanchies qu’elle n’ont de blanc que le nom porté sur l’emballage de la crème… et on abreuve les gens de ces critères de beauté qui ne sont même pas imposés… mais intériorisés… J’étouffe… UFR, unité de formation et de recherche, section de français, section d’espagnol, section de géographie, section de langues étrangères appliquées, CROUS… J’étouffe… Pont Faidherbe, place Faidherbe (« le Sénégal reconnaissant »…), rue de Paris, rue de France, avenue Charles de Gaulle, lycée Charles de Gaulle, avenue Georges Pompidou… J’étouffe… TER, Train Régional Express… lequel… celui qui relie Montpellier à Perpignan en France… J’étouffe… Université Gaston Berger… J’étouffe… Ecole Nationale d’Administration, Institut Polytechnique, Orange qui contrôle les télécommunications du pays… J’étouffe… Fallou Séne, étudiant tué par négligence administrative et bêtise politique… J’étouffe… Enseignement quasi exclusivement en français, euh pardon en anglais, en espagnol, en allemand, en portugais… J’étouffe… savoir quasi exclusivement en provenance de l’Europe… J’étouffe… Tout le monde semble content… J’étouffe… wolof, peul, manjak, sereer… langues portées disparues dans les couloirs occidentaux de la science… J’étouffe… étudiante expulsée de cours pour bavarder en wolof, « ici on n’est pas au marché, on parle français »… J’étouffe… Toubab par-ci, Toubab par-là… J’étouffe… Il n’y a pas plus de Toubab que de Nègre…
Ne te fâche pas… c’est l’Afrique… c’est comme ça… phrase ô combien de fois déclamée telle une sentence irrévocable… J’étouffe… Ah pardon vous vouliez me dire les pyramides égyptiennes, les empires d’Est en Ouest qui fonctionnaient, l’université de Tombouctou, le système de numération des Ishangos, les cosmologies Yoruba, Akan, Kikongo… les savoirs ancestraux, les traditions orales, les techniques de toutes sortes, Abubakari II qui arriva plus de cent cinquante ans avant Colomb sur les côtes de l’actuel Mexique… Je respire…
Même si cet air ne correspond pas à un air homologué par l’Occident, je préfère mourir sous le carbone 14 de Cheik Anta Diop que sous le discours de Dakar de Sarkozy and co… Je respire… Je respire l’air de la rosée du matin qui s’écoule sur le baobab… celui des « Gouverneurs de la rosée »… Je respire car je prends l’air à la source Kirène, Casamançaise… Je respire… J’inspire… Je m’abreuve… à la source du Nil, je connais mon histoire, mes histoires, l’Afrique jusqu’à présent, preuve du contraire, berceau de l’humanité toute entière…, ouvrière d’une bonne partie de « l’Amérique » (« lusophone, francophone, hispanophone, anglophone… » ah oui également de l’« Afrique lusophone, francophone, hispanophone, anglophone… » le beau gâteau colonial)… Je respire…
Respirons, osons respirer notre propre air… pour notre santé physique mais surtout mentale… Respirons… Il n’y a pas pire dictature que celle de l’esprit… Je respire… je respire pendant une semaine au cours de laquelle ateliers pratiques et théoriques sur l’esthétique afro, conférences sur l’histoire du continent africain, sur l’histoire du continent afrolatinoaméricain m’aideront à m’outiller pour « apprendre à désapprendre »…
L’indépendance commence par les cheveux car il faut commencer par quelque chose, quelque chose de concret et il n’y a pas plus concret que le corps, commençons par nous désaliéner et nous aurons déjà gagné une bataille vers l’indépendance… Je ne respire plus… Je reprends du souffle pour gravir la montagne de l’indépendance, l’indépendance mentale et physique, personne ne doit nous dire ce que nous devons être et ce que nous devons faire… J’aime mes cheveux même s’ils sont difficiles à entretenir, j’aime mon corps même s’il ne correspond pas aux canons établis par l’Occident, j’aime ma couleur car je suis né avec, j’aime mon histoire, j’aime mes histoires car elles sont fondatrices de l’Humanité au même titre que n’importe quelle Humanité… Je respire… j’ose respirer, je n’étouffe plus pour le moins mais pour le plus…
Sébastien Lefèvre
Koumbite = terme du créole haïtien qui désigne l’entraide entre paysans, chacun vient prêter main forte à un membre de la communauté qui à son tour lors d’une autre occasion ira aider un autre paysan
Ñu dem = en wolof signifie aller ensemble
Cet appel-pétition bien que signé par une personne émane d’un groupe de personnes issu de l’université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal regroupé autour du concept afrodiasporique et africain de KOUMBITE ÑU DEM
PS: ce texte est en train d’être traduit en wolof, manjak, peul, sereer, diola…
Ce texte peut être signé à l’adresse suivante: http://chng.it/L52CDmr2x2