Féminicide : L’essentiel ne doit être ni invisible ni invincible
Rosa Campoalegre Septien (Centro de Investigaciones Psicológicas y Sociológicas, Cuba, CLACSO)
Traduction Fernando Vázquez.
Introduction
Proclamer que l’Amérique Latine et les Caraïbes doivent être une zone de paix ne suffit pas. Le projet ne doit pas s’arrêter aux portes des foyers. Au contraire, il lui faut aller au-delà de l’espace dit « public »[2] et rencontrer les réalités familiales et de genre, afin de transformer la vie des hommes et des femmes.
L’auteure prend ses distances avec l’approche dichotomique du “public” et du “privé”. Ce binôme a une signification et des effets qui renforcent l’hégémonie du patriarcat, du genre, de la race et de l’hétérosexualité. Aujourd’hui, la paix et la violence restent des réalités en tension. La violence est tout acte, tangible ou intangible, par action ou par omission, fondé sur un différentiel de pouvoir qui cause du tort à une autre personne, à plusieurs personnes ou à soi-même. Dans ce contexte, la violence contre les femmes est un défi latent renforcé par l’accroissement des inégalités sociales. Il s’agit d’un problème de dimension mondiale, ce qui révèle l’importance et l’actualité du sujet.
Au niveau international, conformément à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), on demande aux Etats et à la société civile de continuer à adopter une approche exhaustive et universelle pour en finir avec la violence faite aux femmes, ainsi qu’avec ses causes et ses conséquences. Cependant, partout dans le monde, les femmes meurent encore à cause de la violence de genre. À ce propos, une étude de l’Observatoire du Genre dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes confirme que : « La violence physique ou sexuelle infligée à une femme par son conjoint ou ex-conjoint est généralisée, elle traverse tous les groupes sociaux et s’observe dans divers types de territoires » (2014 : 40). La question du genre est caractérisée par des dilemmes et des tensions qui dépassent le couple et touchent les victimes, les bourreaux, et les familles. Cela peut entraîner la mort d’un des acteurs dans un conflit où le maillon faible est la femme. La présentation ci-dessous voit dans le féminicide un symptôme de la barbarie de genre moderne. L’auteur constate que :
Le pillage et le saccage du féminin prennent deux formes : une destruction corporelle sans précédent et le trafic et la commercialisation poussés à l’extrême de ce que ces corps peuvent offrir. Jamais l’occupation prédatrice des corps féminins ou féminisés n’avait atteint une telle ampleur (Segato, 2010 :3).
Cet article se donne pour but de déconstruire le phénomène, en s’appuyant sur des outils théoriques et méthodologiques, autant que sur l’apport pratique des féminismes latino-américains et caribéens. Sur cette base, nous nous fixons les objectifs suivants: caractériser la situation générale du féminicide en Amérique latine et dans les Caraïbes au cours de la période 2000-2015 et analyser l’expérience cubaine de la lutte contre le féminicide. L’analyse commence par aborder la polémique relative à la colonialité de genre à partir de la conceptualisation du féminicide et la critique opérée par les féminismes postcoloniaux. Nous la poursuivons avec une cartographie latino-américaine du phénomène, qui prend en compte les politiques publiques et identifie les tensions et les alternatives émergentes. Enfin, nous dressons une analyse de l’expérience cubaine. La thèse centrale de ce travail, dont l’approche est centrée sur le Sud, est que le féminicide est un phénomène complexe qui fait partie des multiples formes d’oppression à l’égard des femmes. Ici le Sud a une acception plus vaste, plus centrée sur nous autres êtres humains qui y vivons. Nous partons d’une connaissance située pour laquelle « l’Epistémologie du Sud vise fondamentalement une praxis qui permette d’accroître la volonté de transformation sociale » (2009: 6). Ainsi, la thèse centrale de cet article remet en question la domination et rend visible les résistances à cette dernière à travers les voix indicibles et les silences des femmes victimes de la violence liée au genre.
Premiers pas pour déconstruire le féminicide
Déconstruire le féminicide est une position épistémologique autant que politique. Elle peut s’ancrer dans les féminismes latino-américains et caribéens qui contribuent, comme Julietta Paredes le remarque, à l’élaboration d’« une méthodologie révolutionnaire pour la ‘dépatriacalisation’ de la vie quotidienne adaptée à la situation » (2010: 6). Cela met l’accent sur la capacité d’action des femmes face aux féminicides et le rôle joué par les contextes sociaux dans cette lutte.
Maria Lugones affirme que « être féministe ce n’est pas simplement constater que les femmes sont opprimées. C’est aller au-delà de l’oppression et fournir aux femmes des ressources qui leur permettent de comprendre leur situation et de déjouer les dangers» (2010: 110). En ce sens, il est essentiel d’analyser à la fois la colonialité du genre et les alternatives à cette situation.
En mettant l’accent sur les subjectivités en action, c’est à dire sur les résistances, l’auteure de cet article se place dans une posture féministe décoloniale, en tant qu’afrocubaine, avec un champ d’action et un lieu d’énonciation situé au Sud. Une telle approche fait envisager autrement l’étude du féminicide.
En général, on désigne sous le terme de féminicide un meurtre lié à la violence de genre, l’assassinat d’une femme par son concubin ou ex-concubin. Cette définition est d’autant plus prégnante que c’est celle qu’a retenue l’Observatoire de genre de l’Amérique latine et des Caraïbes (CEPALC, 2006) pour étudier le phénomène. Le recours à une telle acception permettrait soit disant de mieux traiter l’hétérogénéité des informations et la variété des méthodes d’analyse utilisées d’un pays à l’autre, de mieux saisir la dimension du problème et de mieux orienter les stratégies de remédiation. Mais il faut tout de même se demander si une telle définition est à la hauteur du problème. Et si l’on adopte une perspective féministe décoloniale, la réponse est non. Le féminisme décolonial permet de combattre la colonialité de genre, cette oppression liée à la racialisation et au capitalisme (Lugones, 2010). Selon elle, « l’imposition d’un système de genre unique, binaire et hétérosexuel a été un des fondements de la colonialité du pouvoir et, à son tour, la colonialité du pouvoir a instauré et renforcé ce système de genre » (Lugones, 2008: 43).
La trop rapide définition du CEPALC possède un contenu limité, ce qui a des conséquences négatives sur les politiques publiques, et produit une asymétrie de pouvoir propice au développement de diverses formes de violence. Si l’on veut être précis, il faut insister et dire que le féminicide est un phénomène qui va au-delà d’un meurtre fondé sur le genre. Il s’agit plutôt d’un meurtre fondé sur les inégalités entre les genres. Il représente la variante extrême de ce type de violence, en tant que forme de domination dans l’actuel système moderne/colonial du genre, le féminicide agissant comme une composante efficace de la colonialité du pouvoir, du savoir et du genre.
La définition fournie par le CEPALC est discutable et, en même temps, réductrice, en particulier en ce qui concerne les meurtriers car elle ne prend pas en compte le rôle joué par diverses personnes, membres ou non de la famille de la victime, et par les institutions (que leur rôle soit passif ou actif), principalement les agents de santé et de police. Elle ignore les cas des petites filles et des adolescentes qui sont de plus en plus souvent victimes de génocides, comme celles issues de ce « foyer guatémaltèque censé leur apporter protection et insertion sociale », un exemple qui confirme tristement notre affirmation[3].
Pour conceptualiser le féminicide, il faut reconnaître la diversité des femmes, le caractère pluriel de la catégorie ou encore la réalité de l’intersectionnalité, concept essentiel pour appréhender les complexes systèmes d’oppression que les femmes subissent avec les autres groupes sociaux dits vulnérables.
Depuis qu’Aníbal Quijano a émis sa critique de la colonialité du pouvoir (2000), d’autres voix se sont fait entendre dans la pensée latino-américaine et caribéenne, et d’autres propositions ont émergé. Des auteurs tels que María Lugones (2008), Rita Segato (2011) et Karina Bidaseca (2015) ont réfléchi sur l’intersectionnalité entre colonialité du pouvoir et colonialité du genre. Lugones, par exemple, effectue des recherches sur l’intersection de la race, du genre et de la sexualité afin de comprendre l’indifférence des hommes face à la violence systématique envers les femmes noires. A cet égard, le point de vue de Karina Bidaseca, affirmant que « le genre est, comme la race, une fiction puissante » (2015:15), devient une prise de position épistémique. Ainsi, lorsqu’elle s’interroge sur le travail de Rita Segato, elle constate que: “Segato redéfinit les luttes de celles qu’on appelait les « femmes de couleur du Tiers Monde »[4], celles qui ont influencé l’imaginaire symbolique des femmes autres que les féministes blanches. Ce faisant, elle met en question le féminisme hégémonique qui ignorait les différentes divisions de race, de classe, de nation… en ayant recours à la catégorie homogène de la « femme »[5] (Bidaseca, 2016: 179).
A cet égard, notons un autre point de tension : la vision traditionnelle de la femme ignore également les femmes transgenres[6]. En cela, elle s’aligne sur le binarisme sexuel propre au féminisme occidental. L’auteure s’éloigne des courants qui placent les femmes trans en marge du féminisme, dans une position subalterne, car une telle démarche reproduit un pouvoir hégémonique et hétérocentrique, et c’est là le paradoxe d’une recherche de l’égalité qui se fonde sur une vision univoque de la « femme ».
L’intersectionalité est un concept qui surgit de l’intersection du genre, de la génération, de la « race », des classes/groupes sociales/aux et du territoire. Il permet d’expliquer comment les inégalités sociales se reproduisent historiquement, d’identifier et de rendre visibles l’existence de relations de hiérarchie et d’inégalité entre les hommes et les femmes, que ce soit dans le foyer ou dans la rue, et de faire apparaître les problèmes provoqués par les différences générationelles, territoriales, sociales et raciales. Tous ces facteurs forment le contexte explicatif du féminicide.
Sur le plan juridique, le féminicide fait partie des crimes dits « phobiques », catégorie qui englobe divers types de crimes motivés par des idées reçues ou des préjugés de toute sorte relatifs au sexe, à l’appartenance ethnique, à la « race » et au territoire. Il est également identifié comme un crime haineux, facilité par la faible importance accordée à la vie des femmes. La forme prise par ces assassinats ainsi que les lieux où ils se produisent justifient ces appellations.
D’où la nécessite d’analyser le féminicide comme un processus qui a commencé avec une série de moments critiques dans le couple, ou l’ancien couple, ou encore entre les femmes concernées et les autres acteurs. Une aggravation progressive qui a affecté les droits de la personne et accentué la dépendance victime/bourreau en créant une circularité de la violence. Cette réalité nous amène à penser le féminicide, non pas comme un acte isolé ou une nouvelle forme de violence, mais plutôt comme la somme des diverses formes de violence à l’égard des femmes ou comme le dénouement de toutes les violences qui sont à l’œuvre.
L’inégalité de genre peut entraîner la mort dans d’autres configurations du couple victime/bourreau que celui de la femme et son partenaire sexuel masculin. L’apparition et la légitimation des couples féminins non hétérosexuels, soutenus par les lois sur l’égalité du mariage votées dans plusieurs pays de la région amène à typifier autrement le féminicide. En effet, de telles transformations des relations familiales et de genre provoquent chez les familles, dans l’entourage ou au sein des institutions des comportements hostiles à l’homosexualité et cette hostilité est un climat qui favorise le féminicide.
Les féministes des-coloniales et post-coloniales de la région ont décrypté les liens entre féminicide et génocide, et dénoncé la réglementation du crime de féminicide. Cela a conduit à l’utilisation du concept de fémigénocide (Bidaseca, 2015), un nouveau concept.
Féminicide : Les polémiques dimensions d’une carte avec des itinéraires critiques
La carte sociale du féminicide en Amérique Latine et dans les Caraïbes peut être structurée selon des variables quantitatives et qualitatives qui conforment un modèle spécifique. Cet article se sert des deux variables pour analyser les faits.
Quantitativement, il prend en compte les taux de féminicide, leur fréquence par heure ou le nombre total de femmes tuées par leurs concubins ou ex-concubins. Le tableau suivant offre une illustration éloquente.
Tableau 1 : Amérique latine et les Caraïbes (17 pays) : Féminicide. (Derniers chiffres disponibles).
Source : Données de l’observatoire du genre de l’Amérique latine et des Caraïbes, bases de données et publications statistiques de CEPALC (CEPALAST).
Pays | Année | Féminicides |
Uruguay | 2013 | 27 décès |
Mexique | 2009 | 2.5 décès/100 000 femmes |
Bolivie | 2011 | 6.0 décès /100 000 femmes |
Paraguay | 2011 | 0.38 décès/ 100 000 hab. |
Argentine | 2007-2012 | 1 féminicide toutes les 35 heures |
Chili | 2011-2012 | 29 décès /34 heures |
Pérou | 2010 | 130 décès (51.2% des homicide féminin) |
Brésil | 2011 | 5.22 décès /100 000 femmes |
Équateur | 2011 | 6 femmes sur 10 ont été agressées |
Colombie | 2011 | 6.1décès / 100 000 femmes |
Venezuela | 2011 | 5.5 décès /100 000 femmes |
Panama | 2009 | 4.1 décès/100 000 femmes |
République Dominicaine | 2011 | 1.27 décès/ 100 000 habitants |
Costa Rica | 2008 | 2.6 décès /100 000 femmes |
Guatemala | 2009 | 9.7 décès sur 100 000 femmes |
Honduras | 2011 | 11.1décès /100 000 femmes |
El Salvador | 2011 | 12.0 décès /100 000 femmes |
Cuba
|
2013 | 183 décès |
Il faut remarquer que les différences dans la compréhension, l’enregistrement et la réaction aux féminicides qui caractérisent les politiques publiques empêchent une véritable compréhension du phénomène et donc de l’impact des politiques visant à le combattre. Même si l’on tient compte du fait que la violence en général et celle-ci en particulier est toujours sous-évaluée, on observe que les taux les plus élevés sont signalés au Pérou, au Salvador, au Honduras, au Guatemala et en Colombie, pays où l’on trouve une incidence élevée de conflits et de post-conflits armés.
Cependant, ces données ne permettent pas de rendre compte de l’intersectionnalité à l’œuvre dans le système de domination que ces femmes subissent à travers la convergence, la fusion ou l’ajout de diverses formes de discrimination qui convergent, fusionnent ou s’additionnent. A cet égard, nous attirons l’attention sur l’imbrication du sexisme et du racisme. (Viveros, 2009). Ainsi, le manque d’informations disponibles agit comme un mécanisme de renforcement des inégalités en question car il les rend invisibles.
De nombreux facteurs contribuent à la relative invisibilité du phénomène et à son impunité. Parmi ceux-ci, on peut citer : les difficultés à mesurer le féminicide, les décalages législatifs en termes de typification du crime et de sanction dans les diverses réglementations pénales en vigueur, la faiblesse des mécanismes de prévention de la violence, et l’insuffisance de la recherche scientifique dans ce domaine. Il faut ajouter aussi les stéréotypes sexistes qui favorisent la « tolérance » à la violence et entravent le signalement ou l’intervention de tiers, ainsi que les tendances au comportement sexiste des opérateurs du système de justice pénale lesquels disqualifient la conduite des femmes impliquées dans différents cas de violence.
La variable qualitative, elle, prend en compte les questions suivantes :
-Quels sont les types d’agressions les plus fréquents ?
-Où ont-ils lieu ?
-Qui sont les assassins/es en général ?
-De quelle protection juridique disposent les femmes ?
Il est alarmant de constater que la mort de ces femmes se produit sous diverses formes, combinées ou non selon un scénario qui est toujours le même, avec une intensification de la violence qui va de l’agression verbale jusqu’à la cruauté et la torture.
L’utilisation d’armes à feu, d’armes blanches, les coups, l’étranglement, le démembrement des corps, sont les techniques les plus courantes dans le féminicide. Il est frappant de constater que, dans la plupart des cas (plus de 60%), les victimes sont tuées chez elles (CEPALC, 2014). Si on essaie de comprendre pourquoi le foyer est le lieu le moins sûr pour ces femmes, on réalise que la culture patriarcale, solidement implantée dans la famille, alimente en fait le phénomène.
Le féminicide est classé de deux façons : il est dit « intime », lorsque le meurtre est commis par le concubin, l’ex-concubin, l’amoureux de la victime ou un membre de la famille. Il est considéré comme non intime s’il est commis par des personnes inconnues, des gens qui n’entretiennent pas des relations affectives avec la victime, et n’ont pas de liens familiaux, ou lorsqu’il s’agit d’actes exécutés ou tolérés par l’État et ses agents.
Il y a aussi ce que l’on appelle le féminicide par connexion. Des auteures tels qu’Ana Carcedo et Montserrat Sagot soulignent que cette catégorie fait référence aux femmes qui ont été tuées par un homme qui essayait de tuer une autre femme. C’est le cas de femmes de la même famille, de filles ou d’autres femmes qui ont tenté d’intervenir ou qui ont été simplement prises dans le feu de l’action (2000: 3).
Depuis 2000, sous l’effet des luttes féministes et grâce à l’élaboration de politiques publiques plus inclusives dans la région[7], un processus de réforme législative qui met l’accent sur la lutte contre le féminicide est en cours, bien que la distance entre les droits proclamés et leur application effective dans certains pays soit encore trop grande. Et c’est donc pour cela que la lutte se poursuit.
Depuis 2010, le processus est devenu plus visible et son contenu s’est enrichi. La reconfiguration des politiques publiques dans ce domaine, ainsi que les réformes législatives sont les éléments qui permettent d’avancer une telle affirmation.
On peut donc identifier les tendances suivantes :
– On est passé de lois combattant la violence domestique, intrafamiliale ou/et concernant les femmes à des lois qui combattent spécifiquement le féminicide, ce qui constitue une approche plus pertinente pour répondre aux demandes sociales sur ce sujet. On peut le constater dans 10 pays de la région : en Équateur, en Bolivie, au Panama, au Honduras, au Pérou, au Mexique, en Argentine, en Colombie, au Chili et au Salvador, pays dans lesquels on trouve le plus grand nombre de féminicides.
-Certaines législations (au Costa Rica, au Salvador et au Mexique) ont créé un type de délit spécifique pour ceux qui, dans la fonction publique, favorisent le féminicide, le promeuvent ou tolèrent qu’il soit impuni. Cette tendance va au-delà des limites traditionnelles du traitement du sujet aux niveaux législatif et épistémique, car elle modifie l’acception usuelle du concept de femincide en lui donnant plus d’ampleur .Cela crée les conditions nécessaires pour assurer une meilleure protection juridique des femmes.
-La promulgation de lois spécifiques contre le féminicide va de pair avec une réforme des codes pénaux, ce qui renforce la pérennité de ces transformations dans le futur, car elles pourront se poursuivre en prenant appui sur des lois matrices plus structurées et mieux s’articuler au reste du système juridique national. L’Équateur, le Panama, le Pérou et le Chili correspondent à cette tendance.
-Un contenu éthique et symbolique émerge dans la norme juridique, avec des lois dont l’intitulé même renvoie à celles qui n’ont pas eu la parole et ne l’auront plus : les femmes victimes du féminicide. C’est le cas de la Loi Rosa Elvira Cely en Colombie, avec un précédent important, la Loi N°1.340 María da Penha, contre la violence domestique, qui a été votée au Brésil.
-Les sanctions pénales sont plus lourdes et corrélées à des mesures qui répondent aux obligations civiles et administratives pour les actes commis.
Actuellement, 17 pays de la région ont modifié leurs législations afin de pénaliser le féminicide, ce qui représente un progrès. Ce processus prend trois formes essentielles : l’émergence de lois spécifiques contre le féminicide, la prise en compte du crime dans les lois contre la violence domestique, intrafamiliale ou contre les femmes, et l’inclusion dans les codes pénaux de la forme fondamentale ou aggravée de cette criminalité. Ces mesures sont détaillées dans le tableau numéro 2
Pays | Législation | Année |
Équateur |
Loi contre le féminicide
Code pénal intégral |
2014
2013 |
Bolivie | Loi 348 : Féminicide | 2013 |
Panama | Loi 82 et réforme du Code Pénal | 2013 |
Honduras | Loi contre le féminicide | 2013 |
Pérou
|
Modification de la Loi contre le féminicide
Réforme du Code Pénal |
2013
2011 |
Mexique | Loi Générale du Droit des Femmes à une vie sans violence | 2012 |
Argentine | Loi 26.791 contre le féminicide et la violence domestique | 2012 |
Colombie | Loi Rosa Elvira Cely | 2012 |
Chili | Loi de réforme pénale contre le féminicide | 2010 |
El Salvador | Loi Spéciale Intégrale vers une vie sans violence pour les femmes | 2010 |
Guatemala
|
Loi contre le féminicide et les autres formes de violence contre les Femmes | 2008 |
Costa Rica | Loi nº 8589 relatif à la violence contre les femmes | 2007 |
Venezuela | Loi Organique sur le droit des femmes à une vie sans violence | 2007 |
Brésil | Loi Nº 11.340, María da Penha contre la violence domestique | 2006 |
Uruguay | Loi contre la Violence Domestique | 2002 |
Paraguay | Loi Nº 1.600 contre la violence domestique | 2000 |
République Dominicaine | Loi Nº 24-97 contre la violence intrafamiliale et domestique | 1997 |
Toutefois, selon les rapports (CEPALC/2014), la violence à l’égard des femmes reste une situation courante en Amérique Latine et dans les Caraïbes et elle aboutit souvent à des morts violentes. On retrouve toujours les mêmes caractéristiques : la haine, le mépris, le peu de valeur accordée à la vie des femmes, le peu d’efficacité des enquêtes policières, le manque de prévention et de sanctions, et de la part de certains États, une tolérance à l’égard de ces homicides, qui aboutit à l’impunité des coupables.
Cette situation démontre qu’il existe encore un fait, présent dans les politiques publiques et à l’œuvre dans les imaginaires sociaux, qui pèse sur les droits humains :
Lors les débats politiques et législatifs, la discussion de ces questions polémiques et controversées est souvent évitée, banalisée ou différée malgré le coût élevé en termes de développement humain. Et cela se produit même dans les pays dotés de systèmes politiques et législatifs avancés en matière de reconnaissance des droits liés à la sexualité ou la reproduction. Lorsqu’on procède à une analyse juridique générale et spécifique des personnes victimes de discrimination, on se rend compte que l’égalité en droit ne garantit pas nécessairement l’égalité dans la pratique (Castro, 2014:1).
Cuba face au féminicide : les tensions actuelles
Historiquement, l’expérience cubaine a généré de multiples rencontres et malentendus. Une analyse comparative montre que le modèle de bien-être à Cuba, compte tenu de ses particularités, est catégorisé comme de « type mixte » ou « cas difficiles » parce qu’il n’est pas possible de le classer à partir des approches libérales/sociales-démocratiques et conservatrices traditionnelles, à commencer par la triade Famille, Etat, Marché-Société civile, établie par Esping-Andersen (1993).
Les études ultérieures menées en Amérique Latine et dans les Caraïbes, où « la recherche s’est surtout concentrée sur le secteur salarial et sur la question des transferts monétaires et des services sociaux basés sur le modèle de la sécurité sociale » ne rendent pas compte non plus du cas cubain. (Del Valle, 2010, p. 2). Le modèle de Cuba est tout autre. On pourrait le définir comme un modèle humaniste et inclusif de réseau social, axé sur l’être humain et le bien-être de la famille.
Ce modèle, toujours en construction, est orienté vers la réalisation d’un socialisme durable et prospère. Le peuple dans son ensemble, y est propriétaire de la plupart des moyens de production, articulés à un marché et à des principes de distribution socialiste. Les politiques publiques menées dans les domaines clés avec la priorité donnée à certains groupes sociaux défavorisés et l’importance accordée au principe d’équité visent l’intégration de tous et toutes.(Campoalegre, 2014).
Au niveau épistémologique apparaît un problème fondamental : il nous faut passer à une nouvelle perspective de la politique, qui la déconstruise pour mieux la transformer. En ce sens, nous partageons la position d’Eduardo Restrepo, lorsque dans une interview avec Gonzalo Díaz (2013 : 5) il soulignait que : « (…) Je considère que la notion de politique est plus complexe, elle renvoie à notre façon de voir le monde et nos façons de faire ou de ne pas faire ».
L’analyse de la situation à Cuba s’est établie sur la base des variables quantitatives et qualitatives du féminicide, qui sont toutes associées à des indicateurs et forment la matrice comparative.
Du point de vue méthodologique, on a recours à des procédures comme « la cuisine de comparaison » mise au point par Juan Bautista Luccas (2015) .
En termes quantitatifs, le nombre absolu de décès dus au féminicide et les particularités de chaque province du pays sont utilisés comme indicateurs. Les indicateurs qualitatifs utilisés sont : le traitement juridique de l’objet de l’étude, l’information sur le sujet, les circonstances factuelles (le lieu du crime lieu et sa modalité) et les liens entre la victime et l’assassin. L’analyse quantitative montre qu’à Cuba la tendance à l’augmentation du féminicide est beaucoup moins élevée que dans les autres pays d’Amérique Latine et des Caraïbes étudiés. Les statistiques criminelles permettent d’apprécier la variation du taux de féminicides, comme on peut le voir dans le tableau numéro 3.
Au cours de la période 2013-2015, selon les rapports officiels, le nombre de femmes assassinées chaque année par leur partenaire ou ex partenaire, était supérieur à 100, avec un total de 693 décès pour l’ensemble de la période. La valeur la plus élevée (183) apparaît en 2013.
Tableau n° 3 Cuba. Féminicide (2011- 2015)
Province | Année | Total | % | ||||
2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | |||
1. Pinar del Río | 17 | 4 | 5 | 6 | 2 | 34 | 4,9 |
2. Artemisa | 4 | 4 | 9 | 8 | 7 | 32 | 4,6 |
3. La Havane | 31 | 39 | 37 | 26 | 24 | 157 | 22,6 |
4. Mayabeque | 2 | 6 | 2 | 2 | 4 | 16 | 2,3 |
5. Matanzas | 7 | 8 | 8 | 5 | 11 | 39 | 5,2 |
6. Vila Clara | 5 | 5 | 4 | 5 | 7 | 26 | 3,4 |
7. Cienfuegos | 2 | 6 | 6 | 4 | 4 | 22 | 2,9 |
8. Santi Spiritus | 2 | 4 | 4 | 4 | 4 | 18 | 2,4 |
9. Ciego de Ávila | 1 | 7 | 3 | 5 | 2 | 18 | 2,4 |
10.Camagüey | 10 | 10 | 16 | 15 | 10 | 61 | 8,8 |
11.Las Tunas | 7 | 8 | 13 | 18 | 8 | 54 | 7,2 |
12.Holguín | 13 | 8 | 13 | 18 | 8 | 60 | 8,6 |
13.Granma | 5 | 6 | 6 | 6 | 14 | 37 | 4,9 |
14.Santiago de Cuba | 17 | 19 | 28 | 15 | 12 | 91 | 13,1 |
15.Guantánamo | 6 | 2 | 6 | 4 | 5 | 23 | 3,6 |
16.Île de la Jeunesse | 2 | 1 | 0 | 2 | 0 | 5 | 0,6 |
Total | 131 | 152 | 183 | 152 | 132 | 693 | 1000 |
Fuente: (Cuba. Sistema de justicia penal, 2015)
Les variations locales dans l’ampleur des féminicides sautent aux yeux. Les territoires les plus touchés sont les grandes villes : La Havane, Santiago, Camagüey et Holguín, qui représentent à eux seuls 53,2% des meurtres. Il est clair que le territoire est une variante significative du féminicide dans le cas cubain. En croisant différentes informations, provenant du système de santé et de justice pénale nous pouvons élaborer une approche quantitative et qualitative de la question.
L’analyse comparative des femmes mortes à cause des agressions à Cuba (Campoalegre et Portieles, 2011), fait apparaître une tendance. La mortalité masculine a tendance à être plus élevée que la mortalité féminine, même si l’on observe une augmentation légère mais soutenue des taux de mortalité féminine liée à des agressions. Ces taux sont passés de 2,5 à 2,8 entre 2013 et 2014. (Cuba, 2014), comme le montre le tableau ci-dessous :
Tableau n°4: Femmes mortes à cause des agressions (2013-2016)
Année | Taux de mortalité féminine du à des agressions |
2013 | 2,5 |
2014 | 2,8 |
2015 | |
2016 |
Il est important de souligner l’importance des études afro-féministes car elles dévoilent la violence d’une colonialité qui frappe plus particulièrement les corps racialisés des femmes noires. Ainsi, un regard sur l’intersectionnalité de la « race », du genre et de la génération révèle la surreprésentation des jeunes femmes noires des provinces de La Havane et de Santiago de Cuba dans les statistiques.
Les transgenres, chez lesquels on observe une moins grande perception des risques, sont de plus en plus souvent victimes d’agressions et les comportements homophobes aux niveaux individuel, collectif, communautaire et institutionnel ont augmenté. Cette observation recoupe les évaluations des experts nationaux lorsqu’ils se sont réunis à La Havane pour la première réunion internationale sur la prostitution, la violence, le trafic illicite et la traite des personnes, (Cuba, 2015).
D’autre part, l’analyse qualitative fait apparaître la spécificité de la situation cubaine, la législation relative au féminicide accusant un certain retard par rapport aux autres pays d’Amérique Latine. A Cuba, la loi n’a pas créé une catégorie spécifique de « féminicide » ; le phénomène est qualifié en tant que « meurtre aggravé » lié à des relations familiales ou conjugales.
À cet égard, l’article 264.1 du Code pénal cubain établit que :
Quiconque tue délibérément un ascendant ou un descendant ou son conjoint, que l’union soit régularisée ou non, encourt les mêmes peines que celles prévues par l’article précédent, même si aucune circonstance qualificative ne s’applique à l’acte. (1988:79)
Dans cet article du Code pénal, le concept de féminicide est implicite. Bien que les filles soient protégées, en tant que descendantes, l’approche qui prévaut est réductionniste car elle ne concerne que le conjoint et prend en compte une femme universelle abstraite. D’autre part, il y a une trop grande imprécision quant aux meurtriers et le féminicide institutionnel comme tel n’est pas mentionné par la loi, il disparaît dans un système de classement qui l’assimile à d’autres délits.
Cette façon de traiter le problème ne fait pas état clairement des motivations de genre qui constituent la spécificité du féminicide. C’est là un des principaux défis à relever concernant l’égalité entre les sexes dans un pays où il n’existe toujours pas de lois ou d’institutions relatives à la question.
La nécessité d’une loi qui lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles fait toujours l’objet d’un débat, mais pour le moment il n’a lieu que dans la société civile et le monde universitaire. À cet égard, l’initiative prise en 2016 pour l’approbation de la loi susmentionnée est digne d’intérêt.
Zaida Capote (2016: 9), l’une des femmes à l’origine de cet appel, raconte les débuts de ce processus, ses sens et ses significations :
Nous avons lancé un appel public pour qu’une loi contre la violence soit adoptée à Cuba. Le détonateur a été la lettre qu’un écrivain cubain avait envoyé à un autre, accusé d’avoir violé une femme. Il y faisait des déclarations crapuleuses du genre : » vous vous réconcilierez et l’affaire tombera dans l’oubli. »
Le problème, lorsque la presse se réfère au sujet, c’est d’abord qu’elle aborde le problème d’un point de vue individuel (le motif du crime devenant un machisme[8] véhiculé depuis des générations par les pratiques culturelles); d’autre part, elle se fie aux réseaux de dénonciation et de confrontation qui existent déjà et ont démontré être inefficaces dans certains cas. Réduire les causes de la violence contre les femmes à un machisme individuel ou collectif dans notre société revient à dire que la solution est individuelle, subjective.
Il n’existe pas non plus de statistiques officielles à la disposition du public qui rendrait la question visible, parce qu’on considère qu’il s’agit d’une question « confidentielle » et » de portée restreinte ». Les deux arguments qui reviennent sont les suivants :
– Il faut éviter le sensationnalisme de la chronique dite « rouge » qui envahit les médias de masse dans le monde entier et renforce le sentiment d’insécurité des citoyens.
– A Cuba, l’accroissement de la violence n’est pas un problème caractérisé, à l’inverse de ce qui se passe dans le reste du monde
Cependant, le silence tend à rendre le phénomène invisible et contribue ainsi à sa reproduction, car il limite l’action préventive et peut conduire à l’impunité.
D’un point de vue qualitatif, Cuba partage certaines tendances en matière de féminicide dans la région, la plus notable étant le fait que c’est précisément dans le foyer qu’ont lieu la plupart des agressions, mortelles ou non contre les femmes, suivi de la voie publique. En général, les coupables sont le partenaire ou l’ex-partenaire, des connaissances, des amis et des membres de la famille.
La tranche d’âge concernée est essentiellement les jeunes, en particulier le groupe d’âge de 20 à 30 ans, qu’il s’agisse des victimes ou des agresseurs. Toutefois, on observe une tendance à l’augmentation de la moyenne des actes de féminicide à l’âge adulte, en particulier dans le segment des 30-45 ans, tendance peut-être liée au vieillissement du pays, les personnes âgées représentant désormais plus de 19 pour cent de la population (Office national de la statistique et de l’information, 2015).
L’une des particularités du cas cubain tient aux armes du crime : l’utilisation des armes à feu est en baisse, une tendance que l’on observe aussi pour les autres crimes dans le pays. À Cuba, les victimes du féminicide sont assassinées à l’arme blanche ou meurent sous les coups ; dans une moindre mesure, l’assassin étrangle sa victime ou la démembre.
La complexité, la diversité et la polarisation du modèle familial cubain (Campoalegre, 2014) font augurer une aggravation du phénomène, catalysé par l’augmentation de la violence de genre et familiale.
Parmi les actions ayant le plus grand impact sur la lutte contre la violence sexiste et le féminicide dans le pays, on remarquera la campagne » Pas une de plus » et le Programme national d’éducation sexuelle, avec une approche fondée sur le genre et les droits, qui vise une éducation sexuelle globale et que dirige le Centre National d’éducation sexuelle.
Considérations finales
Les tendances et les résistances qui caractérisent la carte sociale des féminicides en Amérique latine et dans les Caraïbes rendent compte d’une aggravation qui révèle une plus grand dangerosité sociale.
Ce problème, de nature politique, socio-juridique et culturelle, est dû à la convergence et l’exacerbation de divers types de violence : violence sexiste, psychologique, sexuelle, domestique, institutionnelle, symbolique, économique et patrimoniale. Il s’agit d’un complexe de violence et non d’une forme isolée. Le féminicide est une conséquence et un résumé de cette chaîne d’oppressions naturalisées par le système moderne/colonial du genre. Il en résulte une augmentation des féminicides dans la région, malgré la diversité des législations nationales adoptées pour assurer la protection juridique des femmes contre ce phénomène.
L’écart entre les progrès législatifs et les pratiques sociales, notamment dans les domaines du travail, de la justice et de la famille, ainsi que les valeurs qui prévalent dans un imaginaire social fondé sur une culture patriarcale, hétérosexuelle, sexiste et racialisée qui transforme les femmes et leur corps en victimes de multiples oppressions marquées par la violence sexo-spécifique, sont notables.
Cependant, lorsqu’on se demande comment les féministes latino-américaines et caribéennes déconstruisent cette question complexe, on voit qu’il y a des alternatives et qu’elles sont diverses. Pour déconstruire le féminicide, il faut une compréhension qui aille au-delà de l’approche criminelle. Il faut partir d’une perspective féministe post-coloniale qui le dénonce comme un mécanisme d’oppression marqué par l’intersectionnalité, car la « race », l’ethnicité, la génération, la de classe et le territoire sont des éléments clés pour comprendre le phénomène étudié dans les pays de la région.
Mais comment les politiques publiques interviennent-elles et quelles sont les tensions et les potentiels qu’elles génèrent ? Au moins trois des principales tensions identifiées dans ce domaine méritent d’être mentionnées :
- Il y a un écart entre la conception actuelle du féminicide et la dynamique de sa croissance et sa gravité dans les pays de la région.
- Il y en a un également entre les réformes législatives visant à lutter contre le féminicide leur application dans la pratique judiciaire et policière.
- L’approche réductionniste de la catégorie de « femme » au singulier n’est pas à la hauteur des transformations dans les relations de genre, et de l’apparition d’une pluralité de façons d’être femme et de significations données à ce signifiant.
Le cas cubain, comme le montre la réalité du féminicide et son traitement juridique dans le droit pénal, sans législation spéciale et sans le prisme du féminisme postcolonial , rend compte d’une profonde inégalité entre les sexes. Cela constitue un vrai défi en matière de politique publique. Les perspectives pour la région ne sont pas encourageantes, elles sont critiques mais il est encore temps de contrecarrer ce phénomène.
Pour conclure sur ce pari, depuis mon lieu d’énonciation en tant qu’Afro-Cubaine, je propose un dialogue imaginaire entre Julieta Paredes (2010) et Mara Viveros (2009). J’imagine que Juliette commencerait comme cela : « Sais-tu pourquoi nous sommes toujours à la recherche d’une femme qui, en regardant le soleil, ne ferme pas les yeux ?» Et que Mara, quant à elle, parlerait de l’intersectionnalité et de la blancheur, qui sont le modèle d’identité des élites nationales. Et Juliette répondrait : « Oui, pour regarder le soleil sans fermer les yeux, nous devons articuler nos efforts, sauver ensemble nos corps, nos espaces, nos temps, nos souvenirs et nos mouvements ». Et elle inviterait à participer au dialogue la poétesse afro-cubaine Georgina Herrera, qui scande, avec cette voix qui traverse les siècles de violence subies par les femmes noires asservies : « Je suis la fugitive, je suis celle qui a ouvert les portes de la maison et a « pris le maquis »[9]». (2013:50)
L’essentiel est d’arrêter d’être/se réinventer en tant que fugitives.
Et vous, comment regarderiez-vous le soleil face au féminicide ?
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[1HDre en Sociologie. Professeure et chercheuse titulaire. Coordinatrice du Groupe de Travail Afrodescendencias et des positions contre-hégémoniques du Conseil Latino-américain de Sociologie. Chef du Groupe d’Études des familles du Centre de Recherche Psychologique et Sociologique du Ministère de Sciences Technologiques et d’Environnement de Cuba. Adresse mail: .
[2] Dans ce travail, nous utiliserons les guillemets pour marquer les différences épistémologiques.
[3]L’auteure refuse donc le terme « groupes vulnérables », car ils ne sont pas à proprement parler vulnérables, par contre, il existe un facteur qui a créé leur vulnérabilité.
[4]Les guillemets signalent la polémique épistémique de ce terme.
[5]Ibid.
[6]Sur le plan opérationnel, elle comprend ceux qui ont changé de sexe biologique, ou sont en phase de “transition”, par le biais d’opérations, de traitements médicaux et psychologiques spécialisés et de procédures légales, conformément à la législation en vigueur dans les pays concernés.
[7]En Amérique latine, le terme région désigne l’ensemble des pays latino-américains qui forment une région de par leur histoire et leurs caractéristiques communes
[8]Acceptation du sexisme dans le discours populaire à Cuba.
[9] Coger el monte, expression en rapport avec la guerrilla et le maquis (monte) des guerilleros