Mexique. AMLO : du côté de l’espérance ?

Mexique. AMLO : du côté de l’espérance ?

La politique, pour moi, c’est un sacré merdier.
Alors quoi ? Le Mexique ?
Le Mexique est régi depuis longtemps, pour reprendre le concept de Lorenzo Meyer, par une « présidence autoritaire ». À le regarder de plus près, il possède un régime constitutionnellement légal, mais fondamentalement paradoxal par rapport à l’idéal démocratique.
Alors parler de politique au Mexique, étiqueté comme le « pays du surréalisme » ? Abordé sous cet angle, la sphère politique n’échappe pas à la règle. Quelques considérations : en l’an 2000, le PAN chasse enfin le PRI – qui siégeait à la présidence depuis 71 ans – et accède au pouvoir avec 42,5% des voix. Le pays s’engage semblerait-il vers la démocratie, et pendant les cent premiers jours qui suivirent, le journaliste Juan Villoro relève des faits comme ceux-ci : des curés d’Hidalgo et de Guanajuato voient dans les Pokemons des suppôts du diable et proposent de les brûler sur la place publique ; l’état du Tabasco possède pendant quelques heures deux gouverneurs ; le chef du gouvernement de Mexico suggère d’établir différents créneaux horaires selon les quartiers de la ville contrôlés par le PRI – et les autres. Non, ce n’est pas pure littérature, et la liste pourrait s’allonger.
Le chômage, le travail informel, l’émigration vers les Etats Unis, l’insécurité continuent d’augmenter. Les élections de 2006 sont très contestées. Comme en 1988, une partie de la population dénonce une fraude électorale. Moins d’1% séparent le représentant sortant du PAN à Andres Manuel Lopez Obrador, dit AMLO, pour alors candidat du PRD. Des manifestations de grande ampleur secouent la capitale pour soutenir AMLO ; Felipe Calderon s’installe tant bien que mal sur le siège présidentiel. Il incarne aujourd’hui la lutte – et l’échec – contre le narcotrafic. Un bilan officiel de 46 000 morts, plus de 20 000 disparus, des chiffres, toujours, qui continuent d’augmenter.
Elections de 2012. Pour la seconde fois consécutive, AMLO arrive en seconde position. C’est cependant le PRI qui revient sous les traits d’un président ridicule digne d’une série télé. Le pays s’enfonce encore et toujours dans l’abîme ; 43 étudiants disparaissent en une nuit ; le ton est ainsi donné.
L’opinion désigne aujourd’hui Peña Nieto comme le président des scandales, de la corruption, des gaffes et de l’incompétence. Selon les sondages, plus de 80 % de la population désapprouve profondément sa politique passée. Compte tenu ce panorama, le résultat des élections 2018, ce raz de marée politique, cette branlée électorale qui sanctionne sévèrement le PRI ne fût pas une surprise.

Je suis retournée au Mexique après avoir soutenu une thèse sur le sujet – plus précisément, sur les récits de voyage en ces terres. Pour m’être promenée entre différents milieux – familial, académique, rural, littéraire, citadin – ; pour avoir parlé avec des personnes de tous bords ; pour avoir flâné dans les marchés, erré dans les villages, cheminé dans les campagnes ; écumé les bibliothèques, intervenu dans des alliances, des universités ; fait du stop, pris des bus de première et de dernière classe, conversé avec des taxis, des écrivains, des artistes, la famille ; j’ai pu sentir – ou essayé de ressentir – le pouls du pays.
J’ai constaté une tension grandissante. Une révolte souterraine, un mécontentement général passait d’oreilles en regards, de bouches en post sur les réseaux sociaux, et dans ce pays qui semble échapper à l’entendement, une seule chose me paraissait évidente : la colère, la frustration, le désenchantement, la peur gagnaient en ampleur dans ce qui fût, jadis, « la plus limpide région ».
En revenant en France, après mon dernier séjour, je ressentis pour la première fois une peur réelle pour le Mexique. « Cette fois, me suis-je surprise à penser, si le PRI passe encore, c’est un appel aux armes. Le peuple n’en peut plus. »

La suite est désormais connue. La 3e est pour ainsi dire la bonne. Le 1er juillet 2018, AMLO obtient le plus grand nombre de voix pour un candidat lors d’une élection présidentielle mexicaine. Avec plus de 50% des électeurs en sa faveur, le futur président est désigné sans encombre. Je sens mon cœur bondir, déborder. Je suis émue, soulagée, ici, en France, peu de monde le comprends, mais moi, j’ai comme envie de pleurer de joie. Je me sers un tequila, esperanzada. Viva Mexico !

Alors oui, le Mexique est dans l’incertitude. Mais AMLO a surtout redonné, me semble-t-il, de l’espérance. Il y en avait fort besoin. Il y a beaucoup de craintes : certaines sont non justifiées, d’autres plutôt avisées. Il y a beaucoup de détracteurs : les puissants tiennent à leurs privilèges, la classe moyenne commence à s’interroger, certains ont peur, bien sûr, le changement fait peur. Il y a surtout beaucoup d’espoir ; en espérant que cet espoir immense ne cède pas la place, comme trop de fois, à un désenchantement proportionnel aux attentes concentrées.
Mais voilà, ce qu’il propose et ce qu’il fait, avant même d’investir le siège présidentiel en décembre – ce qui rompt déjà avec ses antécesseurs qui ont tendance, pendant la transition, à rester en retrait –, me plaît et m’enthousiasme. Certes, il y a des propositions polémiques ; des positionnements vagues, et des membres qui rejoignent son parti sont hautement contestables. Mais il y a surtout, d’entre toutes les mesures qu’il s’engage à prendre en décembre, et au-delà tant de bémols, qui invitent à se préocuper :
– La baisse de son propre salaire de 60 % par rapport aux revenus du président précédent ; ce qui implique – et c’est là que ça dérange une minorité – la baisse du salaire de quelques 35 000 fonctionnaires qui, pour alors, gagneraient davantage que le propre président – ; ce qui serait impossible d’un point de vue légal.
– La transformation de l’actuelle résidence présidentielle en un Centre Culturel ; la vente de l’avion présidentiel et l’arrêt des services de haute sécurité envers sa personne.
– La remise en question du projet du nouvel aéroport international, le NAIM, qui a suscité depuis le début de nombreuses préocupations et des critiques de tout bords. La construction commencée en 2015 reste ainsi en suspens, son avenir faisant bientôt l’objet d’un referendum populaire.
– La création d’une commission d’enquête internationale qui permette enfin d’éclaircir l’opacité de l’affaire d’Ayotzinapa, ou des 43 étudiants disparus.

Alors entre l’Homme et le Mythe ; entre les promesses et le futur ; le Mexique verra bien s’il s’agit, ou non, comme l’avance le président sortant, d’une « Quatrième transformation » : l’Indépendance, la Réforme, la Révolution, …. le Pour-Venir. OJALA, et puissent ces transformations faire pencher la balance pour un présent plus vivable. En attendant, plus que d’avoir peur et soucieuse de garder pour la suite mon esprit critique, je préfère me situer, actuellement, du côté de l’espérance. Je suis avec AMLO, du côté du changement, et j’opte pour l’optimisme. VIVA MEXICO !

Laura Nguyen

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