DECOLONISER L’IMAGINAIRE ESTHETIQUE : VERS UNE ECRITURE DE NOUVEAUX PARADIGMES CARIBEENS

DECOLONISER L’IMAGINAIRE ESTHETIQUE : VERS UNE ECRITURE DE NOUVEAUX PARADIGMES CARIBEENS


Catherine Kirchner-Blanchard,

Doctorante UFR Arts et Médias/ Sociologie de l’art et de la culture/ Paris 3 Sorbonne Nouvelle/Université des Antilles/ Cerlis (CNRS/UMR 8070)/ Membre Acte Sud

Frédéric Lefrançois,

Docteur en langues et littératures anglo-saxonnes, Université des Antilles, CEREAP-CRILLASH (EA 4095)


Mots-clés : Esthétique, art caribéen, peinture, sculpture, Hervé Beuze, Rafael Ferrer, Ronald Cyrille, Wifredo Lam, imaginaire décolonial.


Introduction

Aux Amériques, le rapport du soi à l’autre s’affirme souvent sur le mode de la conflictualité dès qu’il s’agit d’établir une préséance des systèmes culturels codifiant les critères de beauté et de centralité. Ceci est en grande partie le fait d’un rapport difficile au fait colonial, d’une « contamination » de l’imaginaire esthétique par les avaries d’une histoire trouble et troublée. En général, les écrits théoriques contemporains relatifs à la colonialité culturelle tendent à s’accorder sur l’impact délétère de la colonisation dans le champ culturel autochtone (Memmi, 1957, Fanon, 1955, Saïd, 1978, Grosfoguel 2003), et plus encore dans la sphère des arts. L’autre colonial y est toujours en lutte pour obtenir sa référentialité propre dans l’espace des représentations, mais aussi pour acquérir une légitimité qui soit dégagée de toute dette symbolique vis-à-vis de l’Occident. Comment un tel objectif peut-il être atteint ? A quel prix ? Les conditions d’effectuation de l’idéal de liberté et d’identité évoqué précédemment constituent le point focal de la présente étude, dont nous jalonnerons le cheminement par quelques repères historiques, sociologiques et culturels.

Rémanence des schèmes coloniaux dans la réception de l’art caribéen

L’histoire récente de l’art caribéen montre que cette entreprise de recentrement – qui a commencé assez tardivement –, a rarement suivi le cours d’un long fleuve tranquille[1]. Pour ne prendre qu’un exemple, vers la fin du dix-neuvième siècle, c’est-à-dire à la veille de l’abolition, l’école de peinture cubaine se voit toujours évaluée à l’aune de l’académisme espagnol et du romantisme de l’école de Barbizon : pour l’époque, c’est peut-être le prix à payer pour justifier sa légitimité vis-à-vis d’institutions culturelles eurocentriques.[2] Mais en dépit de sa dynamique propre, de sa vivacité, la production artistique endogène demeurera jusqu’au début des années 1950 inféodée aux systèmes d’affiliation ou d’assimilation à l’Europe qui subsisteront jusqu’au milieu du 20ème siècle[3]. A quelques exceptions près, ce constat a valeur de principe pour Cuba, Porto Rico et les îles hispanophones, ainsi que pour le reste des Amériques insulaires anglophones et francophones.

Ces stratégies de domination et de récupération mettent en jeu des schèmes d’appartenance contraignants pour un sujet caribéen polycentré, et à fortiori pour un ars creolus au caractère hybride, qui « porte en lui l’Amérique précolombienne, l’Europe et l’Afrique, et parfois même une plus lointaine Asie. »[4] Pour ne citer qu’un seul exemple, La Jungle de Wifredo Lam se donne à lire comme la trame d’un irréfragable métissage, constitutif d’une polysémie iconique ethnoculturelle. Mais est-elle plus évocatrice des Togu Na maliens que des associations libres surréalistes ? Est-il seulement pertinent de chercher une ligne de partage entre les composantes ethnoculturelles, les influences artistiques, qui en forment l’extraordinaire richesse ? L’audacieuse originalité du style, la liberté du trait, l’imagination vivifiante qui irrigue les entrelacs chromatiques de la Jungle, sont précisément le fait de son hybridité. Ni son autoréférentialité, ni sa canonicité ne s’en trouvent amoindries pour autant. Si sa perméabilité aux codes esthétiques de l’Atlantique noir est avérée, l’œuvre du peintre cubain ne se suffit-elle pas à elle-même, sans qu’il faille lui trouver des parentés immédiates et exclusives avec la peinture de Picasso ?

Pour aussi significative qu’elle soit dans le champ de la création caribéenne, l’exemplarité et la transgressivité de cette œuvre n’obèrent en rien son potentiel émancipateur. La Jungle est une œuvre canonique, emblématique du rapport entre art et transgression, qui offre aux imaginaires « à la fois une forme de résistance et la propositions d’autre chose. »[5] Sa diffusion « ouvre de nouveaux espaces, de nouvelles aventures, débouche sur de nouvelles expériences. »[6] Cette œuvre paradigmatique invite, par sa verticalité radicale, à concevoir l’affranchissement des consciences inféodées aux paradigmes coloniaux, la naissance d’une esthétique novatrice, et l’avènement d’une approche constructive de l’art favorisant le ré-enracinement dans une antillanité culturellement et esthétiquement assumée.

Pour se hisser au niveau de l’horizon embrassé par cette programmatique, la démarche poursuivie dans le cadre du présent article vise à ancrer la réflexion sur les arts visuels de la Caraïbe dans le prolongement des réflexions théoriques exposées par les cosignataires de The Empire Writes Back[7], mais aussi par celles de Ngugi Wa Thiong’o, développées dans un ouvrage récent sur la pensée décoloniale[8]. La tendance exprimée de manière assez consensuelle dans ces développements théoriques serait de nuancer la tendance centralisatrice faisant de l’Europe et de l’Occident les lieux consacrés de la création. L’idée fédératrice défendue par cette communauté de penseurs s’articulerait autour du consensus sur la surreprésentation des canons esthétiques occidentaux au détriment de champs culturels subalternisés. Poussée à l’extrême, cette tendance serait de nature à entraver le rayonnement de pôles artistiques décentralisés et, conséquemment, à limiter la circulation d’un pan important de la création artistique du Nouveau Monde. Dès lors, les modalités de compensation et d’équilibrage requises pour permettre à ce champ culturel de trouver sa place interpellent le critique.

Conditions d’émergence d’une nouvelle esthétique multiculturelle

Si la culture des arts caribéens souffre aujourd’hui d’un manque de visibilité épistémique, les effets de cette carence pourraient être en partie attribués au régime « corpo-politique de la connaissance » évoqué par Grosfoguel[9], et dont l’orientation se résume par une formule pour le moins percutante : « [l]’épistémologie a bien une couleur et une sexualité. »[10] Ainsi, l’opposition entre la culture unique dite légitime, que l’on pourrait qualifier d’atavique pour employer le vocable de Glissant[11] – c’est-à-dire la culture matricielle soutenant la pensée continentale « ayant prévu et mis en perspective idéologique le mouvement du monde qu’elle régentait légitimement »[12] – et les cultures dites subalternes – souvent jugées comme composites –, continue d’alimenter le débat public[13].

Ceci dit, depuis quelques années, le milieu intellectuel occidental s’ouvre progressivement à la pensée décoloniale. L’extension du périmètre géoculturel universitaire aux régions ultrapériphériques participe de cette volonté d’accroître et concilier la représentativité artistique et la diversité ethnoculturelle. Cela étant, la concrétisation pérenne de cet élan doit être soutenue par une intégration continue des paradigmes esthétiques, épistémiques et discursifs au sein des systèmes de pouvoir et de connaissance occidentalisés. La mise à l’épreuve d’un tel idéal passera nécessairement par l’observation directe de la capacité de ces superstructures à intégrer de manière effective, les théories, praxis et autres œuvres de l’esprit en provenance des aires géoculturelles aujourd’hui considérées comme périphériques. L’exemple de Lam, qui « n’a jamais cherché à renier ses origines, mais a su, au contraire, mêler dans son œuvre les différents courants de la peinture européenne et éléments issus de la culture hispano-africaine, pour devenir un des peintres les plus appréciés de ce siècle sur le plan mondial »[14] montre bien que cette ambition est réalisable. Aussi conviendra-t-il de ne pas circonscrire notre étude au domaine limité des effets de discours universalistes, mais d’envisager son articulation effective avec la praxis artistique locale. À cette intention, nous nous pencherons plus précisément sur le passage de la théorie déconstructiviste dans les pratiques de quelques artistes de la Caraïbe.

De la déconstruction linguistique à la décolonisation de l’imaginaire esthétique

La déconstruction du primat linguistique de l’écriture sur l’oralité initiée par Foucault et Derrida dans les années 1960 a préfiguré l’avènement poststructuraliste. Mais c’est Gayatri Chakravorty Spivak (Université de Columbia) qui, en 1976[15] a illustré la fragilité de la structure, son « simulacre ».[16] Elle a démontré la perversion du signifiant dans la construction d’une objectivité toute relative, dans la mesure où le discours occidental phallogocentrique est mis au service des dominants. Le champ des études postcoloniales va alors puiser sa vigueur dans cet impératif déconstructiviste. Toujours dans le champ linguistique, Homi Bhabha[17] nous invite au détournement de la langue du dominé et Edouard Saïd[18] fait la magistrale démonstration d’une manipulation de l’Occident à visée hégémonique, puisque l’Orient n’existe que dans l’esprit de l’occidental. À la suite, Stuart Hall (le chef de file des Birmingham Cultural Studies) va traiter la question de la réception dans le domaine des arts et des médias.

Cette déconstruction représente une étape-clé des processus d’affranchissement et de cultural empowerment. Décoloniser l’imaginaire esthétique du sixième continent, c’est appréhender l’antillanité sans tomber dans le piège de la citation servile ou de la référence systématique aux canons occidentaux. Il ne s’agit pas d’une attitude de repli ; c’est plutôt la traduction du besoin de se départir des complexes coloniaux sans amorcer une énième tentative de déni. Mais à quelles conditions, à quel prix, la création plastique caribéenne peut-elle faire émerger de nouveaux paradigmes dans l’espace de la relation esthétique ? Les enjeux de cette problématique sont multiples et visent l’impératif formulé par Raymond Honorien : « la revendication d’être soi-même dans son pays ». Cet idéal poïétique et politique justifie une approche comparative, décoloniale, du fait identitaire et artistique caribéen à travers une lecture croisée des œuvres de trois artistes caribéens contemporains dont le travail fournit des pistes de réponse très éclairantes. A partir d’une étude comparative du discours plastique du guadeloupéen Ronald Cyrille, du portoricain Rafael Ferrer et du martiniquais Hervé Beuze, nous montrerons que si les artistes n’ont pas la « naïveté de croire qu’ils vont transformer le monde »[19], ils ont quand même « l’impudence de vouloir transformer le monde de l’interprétation ».[20]

Esthétique et mysticisme : les mythologies marronnes de Ronald Cyrille

Ronald Cyrille alias Black Bird est né en Guadeloupe en 1984. Le plasticien a étudié à l’Institut régional des arts visuels fondé par Aimé Césaire en 1984 qui est devenu en 1997 l’Institut Régional des Arts Visuels de la Martinique (IRAVM). Depuis quelques années, son travail fait l’objet de toutes les attentions pour la bonne raison que l’artiste, sans chercher à s’inscrire dans l’horizon d’attente occidental, emprunte aux traditions culturelles mystico religieuses, au conte, au savoir collectif pour développer un art caribéen pertinent à l’intérieur du schème de classification des dominés et dans lequel sa pratique fait sens.

R. Cyrille, Sans titre, technique mixte, œuvre en cours de finition exposée à l’Habitation La Ramée, Guadeloupe, en février et mars 2018 (photo d’artiste).

Ainsi, l’œuvre de Ronald Cyrille constitue un élément majeur de l’art décolonial. Elle ancre les esthétiques de l’altérité dans le champ des expressions plastiques émergentes. La vision de l’autre se décline ici en trois œuvres réalisées à la bombe, au pochoir et à l’acrylique, dont l’originalité se lit au prisme de l’historicité du lieu et de la transmission mémorielle.

Une première œuvre figure une embarcation rouge écarlate voguant dans une immensité laiteuse. Un système racinaire pousse à fond de coque mais ne trouve pas terreau fertile. Les deux pattes échassières du palétuvier, symbole de déracinement et d’une quête de stabilité, inscrivent les migrants dans un biotope tropical. Ronald Cyrille nous embarque dans un univers fantasmagorique.

À bord d’une yole, sept membres d’un étrange équipage errent dans un « no man’s land » d’une blancheur inquiétante. Le nombre sept n’est pas anodin, indispensable à tout équilibre, il est le nombre parfait : les sept jours de la semaine, les sept pêchés capitaux, les sept notes de la gamme, les sept couleurs de l’arc en ciel …

Assis à la poupe, un personnage figure l’anamnèse mémorielle du déracinement en même temps qu’il ressuscite le souvenir d’une filiation artistique. En effet, le taureau qu’il porte sur la tête dans ce contexte géographique tropical évoque un rapprochement possible avec les têtes de taureau fréquemment peintes par l’artiste cubain Wilfredo Lam. À l’image de la population servile, l’homme « bras-fourchette » croule sous le poids du labeur que préfigure son fardeau. Face à lui, un archéoptéryx préhistorique à deux faces scrute l’horizon. Médusé et le bec clos, « l’homme au bec d’oiseau » paraît migrer loin de chez lui à l’instar des peuples déportés de la traite. L’autre face de « l’homme-animal » en direction opposée, semble au contraire braver l’avenir et ses incertitudes. « L’homme-rame » en galérien de fortune, fait avancer le bateau, « l’homme-plante » nous rappelle que c’est ainsi que bien des végétaux furent introduits dans l’archipel. À l’extrémité de la barque, un autre personnage est la figure de proue qui protège des vents contraires. La symbolique du personnage renvoie à un mélange de religion et de superstition. Une bouteille sur la tête, possible annonce d’un peuplement au service de l’avènement d’un produit colonial, un hygiaphone porté aux lèvres, la figure profère des mots inaudibles pour le regardeur, qui traduisent aussi la détresse du marginal, du migrant, du désœuvré incompris, mais qui demeure néanmoins un désir de mise en relation.

Les autres réalisations picturales de l’artiste sont moins épurées. Les représentations thérianthropiques de deux êtres mi-homme mi-animal emplissent le cadre. Elles tournoient dans une ronde céleste effrénée. Tout ici semble suggérer une filiation avec la Jungle de Wilfredo Lam: un dynamisme suggestif, la liaison des formes entre elles, une nature incantatoire, la représentation de caractères détachés du visible habituel, l’esthétique magico-religieuse. Au faîte central du tableau, à même le sol, les trois couleurs nationales sont le théâtre de l’horreur. L’horizon et la lumière du soleil sont obstrués par ce déploiement de violence extrême.

R. Cyrille, Sans titre, technique mixte, œuvre en cours de finition exposée à l’Habitation La Ramée, Guadeloupe, en février et mars 2018 (photo d’artiste).

Tout comme Lam qui connaissait les divinités de la santérías et nous conviait au Réveil de la nature morte, [21] Ronald Cyrille nous introduit dans ce que Bastide nomme une « guerre mystique ».[22] Cette scène, probable référence au culte des esprits aussi appelés Loa en Haïti, renvoie aux espèces animales et dans un même temps comme le suggère Laënnec Hurbon correspond à des comportements sociaux.[23] Le Compère lapin rusé des contes antillais, dans une possible métaphore du conflit qui oppose le dominé au dominant, maître des terres, développe une patte vengeresse qui vient dévorer le « monstre-flore blanc ».

La peinture de Ronald Cyrille touche à l’inconscient collectif des antillais, au monde des Soukougnans et du Dorlis. Ce dernier considéré comme l’avatar du maître, s’introduit la nuit venue dans la couche des femmes dont il dérobe les charmes. Par extension et par superstition, le Dorlis est devenu l’incube caribéen que seul le port d’un vêtement rouge peut repousser. Le peintre martiniquais Raymond Médélice réalise lui aussi Le cycle du Dorlis en 1996 et le Dorlis frappé du syndrome de Saint-Sébastien en 2009. Les tableaux de Cyrille font ainsi référence au savoir, à l’histoire de tout un peuple, à sa mémoire, en somme.

L’œuvre de l’artiste est à la croisée du vécu et du surnaturel. Elle est d’une étrangeté immanquable. Mais elle figure aussi la métamorphose de toutes les catégories du réel. Soudain les éléments s’ornent de leurs plus beaux atours. Le monde est changé en quintessence. Dans une allégorie paradisiaque, le monstre aviaire est orné d’un halo éthéré, vaporeux et brumeux, le lieu renouvelé, débarrassé de ses prédateurs fait à nouveau place à l’harmonie. Cyrille alias Black Bird, -oiseau noir en français- partage avec Lam un intérêt évident pour l’ornithologie, un thème que Lam a beaucoup décliné : Coq caraïbe 1953, Chant d’osmose 1944, Après la chasse1944-1945 ou encore Parade antillaise 1945[24].

L’oiseau, en milieu colonial et postcolonial renvoie symboliquement à la liberté de l’être. Jean Price-Mars, à propos d’une note de Moreau de Saint-Méry ,[25] rappelle d’ailleurs qu’ à l’occasion de danses de Vaudou, les esclaves faisaient un repas de volailles.

R. Cyrille, Sans titre, technique mixte, œuvre en cours de finition exposée à l’Habitation La Ramée, Guadeloupe, en février et mars 2018 (photo d’artiste).

Tout entier à l’onirisme de sa peinture, l’artiste dans une injonction à décrocher la lune, nous convie au dépassement de soi et nous incite à faire renaître l’esprit enfoui dans nos jardins intérieurs. Les tableaux de Ronald Cyrille ont des vertus thérapeutiques. Trope du mysticisme et de la puissance incantatoire, ils provoquent le sens esthétique occidental et réactivent les savoirs ancestraux des dominés.

Si l’amphibiologie éclaire en partie le discours plastique mis en exergue dans le travail de Ronald Cyrille, c’est en revanche un marquage ethnoculturel assumé qui guide la lecture de son œuvre dans le sens du décolonial. Les figures du bestiaire anthropomorphisé imaginées par l’artiste font en effet ressortir l’importance de l’enracinement dans un syncrétisme stylisé en écho avec celui du peintre afro-cubain Wifrédo Lam[26], pour ne citer que ce dernier. On pourra ainsi déceler à travers la récurrence de motifs énigmatiques et chimériques – comme l’hybride à corps d’homme, au bec reptilien et à la tête d’oiseau – l’expression d’un désir de canonicité du répertoire pictural antillais. Par ailleurs, le fait d’emprunter de telles références à la cosmogonie égyptienne, ouest-africaine et afro-caribéenne montre que le sens du sacré s’intègre harmonieusement au geste plastique et participe d’une logique de ré-enracinement dans une culture et une mystique jadis subalternisées. A l’instar de Lam, Cyrille remet aujourd’hui à l’honneur tout un pan de l’héritage ancestral qui a souffert jusqu’à une époque récente de la censure coloniale. Mais comment l’artiste procède-t-il pour subvertir les codes idéologiques aliénants et libérer l’imaginaire esthétique ?

Une première piste se trouve peut-être dans la présence centrale d’un symbole emblématique de la culture antillaise : la barque à coque ronde, que l’on appelle communément la yole en Martinique. Celle-ci nous renvoie de façon métonymique à l’héritage amérindien qui survit encore à travers certaines traditions populaires. Cette même yole servait autrefois aux Caraïbes à naviguer d’une île à l’autre, à sillonner l’archipel des Petites Antilles, à ramener des captifs provenant des autres îles pour s’en servir comme esclaves. Il est intéressant de noter, au passage, que le Père Labat en fait un portrait assez peu élogieux dans son récit : celui d’un peuple païen, recourant à l’anthropophagie occasionnelle, suivant la croyance qu’il faut dévorer son adversaire pour s’approprier et sa force vitale. En comparaison avec Dutertre, Labat précise toutefois que cette pratique reste assez modérée chez les Caraïbes

En exploitant cette veine symbolique, et par un singulier effet de retournement, les tableaux de l’artiste invitent à détourner l’acception péjorative que lui donne le chroniqueur occidental (le Père Labat), en lui attribuant une connotation positive. Le thème de la dévoration, ici rendu manifeste par l’omniprésence de dentures menaçantes, suggère par sa récurrence, et son expression contenue, que le cannibalisme culturel pourrait avoir quelques vertus libératrices. En ingérant la chair de l’oppresseur, on s’empare également de son pouvoir : Caliban prend alors sa revanche sur Prospéro. Par un jeu subtil d’allusions, et de citations, le plasticien invite ainsi l’instance réceptrice à se connecter à un événement qui a fortement marqué l’histoire des arts latino-américains : la publication du Manifeste anthropophage[27] par le poète et polémiste brésilien Oswald de Andrade.

En embrassant d’un seul regard des points de vue opposés, le discours plastique du peintre martiniquais montre toute la tension qui habite l’être antillais, divisé entre la dépendance économique, alimentaire même, vis-à-vis de l’Occident – figurée dans le premier tableau par la fourchette hypertrophiée sous le poids de laquelle ploie le sujet noir aux cheveux blonds – et la « nécessité d’être soi-même dans son pays »[28]. En ce sens, il entre en résonance avec le Manifeste  anthropophage, par son invitation à « remettre en question les dualités du type civilisation/barbarie, moderne/primitif et originel/dérivatif qui ont informé la construction de la culture brésilienne depuis les premiers jours de la colonie. »[29] Ce parallèle trouve d’autant plus de sens que le retournement esthétique opéré par l’artiste martiniquais rend explicite le fantasme ambigu de dévoration relevé précédemment : qui du dominant ou du dominé se fait dévorer ? N’y a-t-il pas lieu de parler, en pareille espèce, de cannibalisme mutuel ? Une piste intéressante que la chercheuse Leslie Bary évoque en filigrane dans son étude sur le Manifeste : « Dans le MA, Oswald s’approprie de manière subversive l’inscription de l’Amérique par le colonisateur au sein d’un territoire sauvage qui, une fois civilisé, deviendrait une pâle, mais nécessaire copie de l’Europe. »[30] En parcourant l’espace de la relation, et en revisitant le discours identitaire initié par son compatriote Khôkhô, ses homologues caribéens Lam et Andrade, Cyrille montre que le travail de l’artiste-plasticien, en terre caraïbe, ne peut jamais être totalement neutre, dans la mesure où il informe la tension entre l’ici et l’ailleurs qui lui donne toute sa profondeur signifiante et sa diasporicité.

Poïétique ethnoculturelle et désaliénation esthétique : le cas de Rafael Ferrer

S’il est vrai que la référence à la mythologie afro-caribéenne affleure à la surface de la plupart des toiles symbolistes caribéennes, tel un leitmotiv, la sculpture, elle, s’approprie puissamment les thèmes et symboles développés dans le répertoire pictural de l’archipel. C’est le cas notamment, des œuvres sculpturales et performatives du plasticien portoricain Rafael Ferrer, qui sont éminemment représentatives de la traversée et de l’enracinement.

L’itinéraire de cet artiste, né en 1933 à Porto Rico est un signe tangible de la pan-caribéanité esthétique de son travail. Ferrer refuse de considérer le lieu comme une fatalité, voire un horizon limitatif. Sa démarche artistique consiste à déterritorialiser son propre regard en se défamiliarisant de son environnement natal de manière chronique. Il produit ainsi une réflexion sur Porto Rico en s’expatriant à New York, Cuba ou l’Amérique du Sud. Cet artiste aux talents multiples– Ferrer est à la fois dessinateur, performeur, sculpteur et installateur – parcourt ainsi l’imaginaire esthétique sur le mode d’une délocalisation sémiotique qui fait souvent remonter à la surface de son travail plastique la prégnance des gènes culturels amérindiens. Rafael Ferrer est un voyageur infatigable qui fait émerger des profondeurs du soubassement historique caribéen, l’âme même de sa création plastique, toujours en quête de rencontres fertiles.

Dans Kayak #2:Norte, par exemple, Ferrer nous entraîne dans un voyage à travers le temps et la mémoire qui se déploie dans l’imaginaire esthétique en revisitant l’histoire du peuplement des Caraïbes et montre la connexion avec les Inuits, les ethnies fondatrices du Yucatan et surtout les Taïnos qui ont laissé dans toutes les Amériques insulaires les traces de leur esthétique.

Cette sculpture est un assemblage de plusieurs fragments hétéroclites : un morceau de pirogue creusée à même le bois d’un tronc de mahogany – l’espèce d’acajou endémique au bassin caribéen, de la tôle ondulée, de l’os, de la peau d’animal, un couteau, une corde, des cheveux, du bardage et de la peinture. Elle rappelle par sa forme composite et sa couleur bigarrée – on dit du mahogany qu’il fait partie des bois rouges – la force signifiante de la traversée, de la défamiliarisation nécessaire pour entamer la déprise d’un réel envoûté par le mirage néo-libéral, descendant direct de la colonisation aux Amériques.

L’ambigüité fondamentale imprégnant le travail de Cyrille, informe aussi l’approche de Ferrer, qui est à la fois natif de Porto-Rico et citoyen américain implanté de longue date sur la côte est des Etats-Unis. La sensibilité de l’artiste est à la croisée d’influences multiples, dissonantes, mais complémentaires.

De la défragmentation dans l’art d’Hervé Beuze

Hervé Beuze voit le jour en 1970 à la Martinique. Il est diplômé de l’Institut Régional des Arts Visuels (IRAVM), l’école supérieure des arts de la Martinique. Artiste prolixe et pluridisciplinaire, il pratique la sculpture, la peinture, la céramique, l’installation et le design. Mais à la question comment définiriez-vous votre pratique ? Hervé Beuze répond qu’il est un sculpteur anthropométrique.

Dans son œuvre Matrice, l’artiste se fait topographe et reconfigure l’organe de l’appareil générateur de l’île. Personnifiée, la Martinique enfante une nation bigarrée. La cartographie Mix devient la représentation par assemblage et collage du métissage.

Semblable à cet autre organe qu’est le cœur, enfin dégagée des injonctions exogènes, l’île irradie à partir de son centre vers lequel les regards convergent. Les notions de centre et de périphérie sont ici mouvantes, voire réversibles. Pour l’artiste, le milieu insulaire n’est pas nécessairement synonyme d’isolement et de marginalisation. Au milieu de la matrice la création prend racine et se développe. L’île est une femme protéiforme, ainsi façonnée par l’artiste, elle ne se laisse pas d’exister et de se réinventer. Avec Résilience 2016, nous entrons dans le monde de la recherche formelle, anatomique et psychologique. Le couple-sculpture mesure 4m de haut. Des lambeaux de tôle figurent l’épiderme du martiniquais, composite et métissé. En filigrane transparaît l’Armature[31], façonnée à partir d’un métal vermillon qui renvoie au système circulatoire identique pour chaque être humain.

L’artiste institue l’inspection visuelle des formes anatomiques du caribéen, mais au lieu de disséquer, il rassemble les fragments qui étaient épars. Il « défragmente » chaque partie du corps physique. La corporéité, qui selon la phénoménologie se définit par le fait d’être perçu dans son humanité, dans son intelligibilité et sa conscience, est un élément sensible du travail de l’artiste. Le sculpteur est aussi morphologue. Un démiurge qui donne naissance à la forme binaire et complémentaire idéale ou rêvée. Les sculptures d’Hervé Beuze sont graciles et robustes à la fois. Mobiles, elles bravent l’adversité ; à moins que ce ne soit que pure célébration, une marche prospective.

H. Beuze, Résilience, métal, tôle, h: 4m exposée à la Fondation Clément, Martinique, en septembre et mars 2016 Photo@Vincent Gayraud
H. Beuze, Résilience Catalogue Armature publié par la Fondation Clément, Martinique, 2016 (dessin d’artiste).

Dans un contexte postcolonial, Hervé Beuze abolit toute hiérarchie : ethnoculturelle, de classe et de genre en prônant un Soi- même comme un autre[32] dans le collectif, mais aussi dans son unicité. Pourtant, l’aspect mémoriel n’est pas évacué. Le corps conserve les stigmates historiques. Les sutures, les coutures, les soudures participent d’une prise de conscience et d’un regard lucide sur les réalités des dominés de la terre.

La déconstruction des schèmes de la pensée coloniale est une gageure, tant les dominés ont été amenés à intérioriser une supposée infériorité de leur culture et de leurs arts, à nier leurs réalités locales, leur créativité et leur capacité d’autonomisation. Résilience est la métaphore de la résistance physique ; elle fait état d’une capacité à transcender les chocs psychologiques. À la schizophrénie des dominés décrite par Franz Fanon,[33] Hervé Beuze oppose la transformation des conduites, l’acceptation de soi, la valorisation de la diversité et de la multiplicité ethnoculturelle.

Conclusion

À partir du travail artistique de trois plasticiens, nous avons développé une réflexion critique et dialogique sur les discours et procédés plastiques en résonance avec la question décoloniale. Mais nous aurions pu citer beaucoup d’autres artistes : Christian Bertin, Norville Guirouard-Aizée, ou Thierry Jarrin, par exemple. Nous comprenons que l’enjeu des arts plastiques en Caraïbes, loin d’un relativisme culturel qui serait la reconnaissance de normes objectives exogènes, est au contraire celui d’une autonomisation de la pensée et des pratiques. À la déculturation et à l’acculturation, les artistes allèguent le poids des structures psychologiques, des traditions coutumières et mentales et des réalités locales qu’il faut savoir remettre en question. Ils vont en faire la matière et le moteur de leurs créations ainsi réédifiées, dynamisées, défragmentées. Loin de s’inscrire en faux contre une hiérarchie des biens symboliques, ils adoptent la posture décomplexée de ceux qui ne s’inscrivent ni dans la comparaison, ni dans la compétition, mais dans le champ décolonial de la recherche plastique. L’effort de désaliénation et de désendettement symbolique peut alors porter du fruit. C’est, à notre sens, une des conditions nécessaires pour qu’une nouvelle conscience esthétique caribéenne, affranchie des legs coloniaux, puisse émerger et continuer à se développer harmonieusement.


[Texte amendé et corrigé le 20 mars 2018]


 

Bibliographie

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Citations

[1]                Cf. José Lewest, Les processus de reconfiguration dans l’art caribéen, Paris, L’Harmattan, 2017, p. 17.

[2]                C’est le cas, notamment, des portraitistes cubains Guillermo Collazo (1850-1896) et José Arburu Morell (1864-1889) qui réussirent toutefois à concilier l’influence européenne avec l’esthétique de la cubanité coloniale. Voir V. Poupeeye, Caribbean Art, Londres, Thames & Hudson, 1998, p. 43 et sq.

[3]                Pour le chercheur portoricain Ramon Grosfoguel, ce processus perdure jusqu’à aujourd’hui. Grosfoguel estime que la « colonialité du pouvoir » se maintient à travers le « racisme culturel » qui a succédé au « racisme biologique » suite au départ des administrations coloniales des pays caribéens : « The end of colonial administrations in the modern/colonial world did not imply the end of “coloniality.” (Grosfoguel, 2003, p. 197).

[4]                Pierre E. Bocquet, « Prologue », 1492/1992, Un Nouveau Regard sur les Caraïbes, Paris, Creolarts Diffusion, 1992, p. 6.

[5]                D. Berthet, « Avant-propos », Art et transgressions, Paris, L’Harmattan, 2017, p. 10.

[6]                Ibid.

[7]                B. Ashcroft, G. Griffiths, H. Tiffin, The Empire Writes Back : Theory and Practice in Post-colonial Literatures, Londres & New York, Routledge, 2004. Voir notamment la section du chapitre introductif consacrée au langage.

[8]                Voir Ngugi wa Thiong’o, Décoloniser l’esprit, traduction de l’anglais par Sylvain Prudhomme de Decolonising the Mind: The Politics of Language in African Literature, La Fabrique, 2011. Pour une approche synthétique de cet ouvrage de référence, voir Olivier Dehoorne et Sopheap Theng, « Osez « décoloniser l’esprit » : Rencontre autour de l’œuvre de Ngugi wa Thiong’o », Études caribéennes [En ligne], 18 | Avril 2011, mis en ligne le 15 avril 2011, consulté le 02 mars 2018. URL : http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/5497

[9]          Ramón Grosfoguel, « Les implications des altérités épistémiques dans la redéfinition du capitalisme global. Transmodernité, pensée frontalière et colonialité globale », Multitudes, n° 26, 2006/3, p. 52.

[10]             Ibidem.

[11]             Ce qualificatif est pertinent pour notre analyse. L’acception que lui donne Edouard Glissant dans Le Discours antillais éclaire l’importance croissante du rhizome artistique caribéen.

[12]            Edouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, p. 34.

[13]             Voir, à titre d’exemple, le débat initié par D. Wolton, « Des stéréotypes coloniaux aux regards post-coloniaux : l’indispensable évolution des imaginaires », in P. Blanchard et N. Bancel (dirs.), Culture post-coloniale, 1961-2006. Traces et mémoires coloniales en France, Paris, Editions Autrement, 2005, p. 255-267.

[14]             F. Bocquet, op. cit., p. 12.

[15]             Gayatri Chakravorty Spivak, « Translator’s Preface », in Of Grammatology, Ed., The Johns Hopkins University Press, 1974.

[16]             François Cusset, French Theory, Foucault, Derrida, Deleuze &Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux Etats-Unis, Ed., La Découverte 2003,2005 p.120-121

[17]            Homi Bhabha, Nation and Narration et The Location of Culture, New York, Ed., Routledge, 1994, p. 139, p. 291 et sq.

[18]        Edward W. Said, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Ed du Seuil, 1978, 1995, 2003

[19]             F. Cusset, op. cit., p.125

[20]             Ibid.

[21]             Wilfredo Lam,Le réveil de la nature morte, 1945

[22]             Roger Bastide : Les religions africaines au Brésil Ed., P.U.F, 1961, p. 183

[23]             Laënnec Hurbon, Le culte du vaudou. Histoire – Pensée – Vie, Croyants hors-frontières. Hier-Demain, chapitres X-XII, pp. 225-249. Georges Casalis, Marie-Magdeleine Davy, Pierre Gallay, Laënnec Hurbon, Viviana Paques et Martial Sinda. Paris : Ed., Buchet/Chastel, 1975, 251 pp. Collection : Deux milliards de croyants. Ed., numérique p. 6, 1975

[24]             Max-Pol Fouchet, Wilfredo Lam, Ed., Albin Michel 1984, p. 37-51

[25]             Jean Price-Mars, Ainsi parla l’oncle. Essais d’ethnographie, 1928, p. 149-p.126 dans la version numérique

[26]             Nous faisons surtout référence, ici, à la Jungle de Wifredo Lam.

[27]             Voir Oswald de Andrade, « Manifesto antropofago », Revista de Antropofagia, n°1, mai 1928.

[28]             Raymond Honorien cité par Alfred Marie-Jeanne in Jean Marie-Louise (dir), Rendre hommage à l’Atelier 45, catalogue de l’exposition organisée par Tropiques Atrium Scène Nationale, du 3 octobre au 12 novembre 2016, Fort de France, Martinique, p. 17.

[29]            Leslie Bary, « Oswald de Andrade’s ‘‘Cannibalist Manifesto’’, Latin American Literary Review, vol. 19, n° 38, juil.-déc. 1991, p. 35. Trad. de l’anglais par Frédéric Lefrançois.

[30]            Ibidem.

[31]            Hervé Beuze, exposition Armature à la Fondation Clément, 16/09 au 03/11/2016

[32]             aul Ricœur, Soi-même comme en autre, Ed., Seuil, 2015

[33]            Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Ed., Seuil, 1952 ; rééd. Seuil, coll. « Point/Essais », 1971

3 réactions au sujet de « DECOLONISER L’IMAGINAIRE ESTHETIQUE : VERS UNE ECRITURE DE NOUVEAUX PARADIGMES CARIBEENS »

  1. Bonjour, Juste noter qu’en français le Manifesto antropofagico do Oswald de Andrade se traduit Manifeste anthropophage (voir http://www.ciph.org/IMG/pdf/papiers60.pdf)
    Aujourd’hui même en anglais on préfère le terme Anthropophagic Manifest; surtout parce qu’il y a eu un « manifeste cannibale », celui de Picabia en 1920, (Francis Picabia, ‘Manifeste Cannibale Dada’. in Dada n° 7 – DADAphone (March 1920), in Der Dada Nr. 3 (April 1920) et in Almanach Dada (June 1920)). Le concept d’Anthropophagie est totalement radical, et a posé la périphérie en centre, abordant la production artistique brésilienne totalement hors des cadres coloniaux ou néocoloniaux. Et ce concept a commencé à s’imposer à l’histoire de l’art internationale depuis 1998, via l’analyse qui en a fait Herhenkoff de l’œuvre de Helio Oiticica (et les deux Lygias Clark et Pape) . c’est un concept opérant et puissant en art contemporain et c ‘est pourquoi il est important de bien nommer les sources.

    1. Modérateur je voulais modifier le nom de Paulo Herkenhoff, please?

      1. Bonjour, ça fait deux fois que je relis le texte à la recherche de ce nom sans le trouver; dans quelle partie du texte est-il ?
        Merci Claude Rougier

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