Grenade de l’invisible violence
Farzaneh Rezaei
Artiste en maîtrise en arts / Février 2018
Je viens d’une culture différente de celle du Québec et de l’espace Occidental d’une manière générale. Je suis une femme perse, d’Iran. Ce faisant, comme beaucoup d’artistes, je perçois les mouvements de l’art contemporain sans systématiquement m’inscrire dans ses grands questionnements. Tout comme le travail de l’artiste d’origine algonquine, Nadia Myre qui propose dans sa pratique un récit décolonial par une démarche de réappropriation de l’ancestrale du tissage des perles, je tente d’exprimer à mon tour une expérience non-occidentale de l’art.
Artiste et étudiante en maîtrise en arts visuels et médiatiques à l’UQAM, cela fait trois ans que j’ai immigré à Montréal. Avant d’entrer à l’université, j’ai remporté une bourse et participé à quelques expositions. Mon sentiment est que ma pratique artistique reste sous la bannière de l’artiste issue de la diversité. Ce cadre restreint ma création et celle d’autres artistes issus de milieux similaires. C’est selon moi l’une des raisons de notre faible visibilité sur la scène artistique professionnelle montréalaise.
Pour ouvrir mon horizon, j’ai décidé d’étudier à l’université. Lors de la première session, quand les professeurs m’ont demandé quelles étaient mes filiations artistiques, j’ai eu le sentiment d’avoir perdu mes références et mes repères.
Personne ne connaissait les poètes classiques iraniens tel que Rumi, Omar Khayam, Forough Farrokhzad ou l’artiste visuel perse Ardeshir Mohasses. C’était un sentiment étrange et nouveau. Où je suis ? Qu’est-ce que je fais ? Est-ce que les autres me comprennent ?
J’ai choisi le thème de la grenade pour explorer ce sentiment de pression institutionnelle sur mon modèle. Il s’agit d’un jeu de mot entre le fruit du grenadier et la grenade comme arme explosive. Le sens du mot se traduit aussi en perse par le feu, considéré comme un élément sacré dans le mithraïsme.
À mon atelier, j’ai regardé la beauté de ce fruit majestueux, rond, rouge plein de graines qui éclatent à la moindre pression de la main. J’ai fait des dessins inspirés des formes des graines et j’ai utilisé la substance des graines éclatées sur le carton pour rendre compte de la violence institutionnelle.
J’ai présenté une performance dans laquelle j’offre les graines de grenades à tout le monde. Ainsi, les graines éclatées se présentent comme une métaphore des violences et le partage est une invitation à comprendre mon conflit intérieur.